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Premiers Doutes - Chapitre 11

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Chapitre 11 - Soirée rose

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Soirée rose

Tandis que le serveur repartait le plateau vide, Gérald affalé sur le canapé rose brailla comme de coutume : il était visiblement de bonne humeur ce soir-là.

Le jazz-club " la panthère rose " était bondé et il y régnait une chaleur exceptionnelle.

- Alors, Obéron, ça fait une paye qu’on ne t’a pas vu dans les parages ! Ni au club Hypernova, ni même dans les quartiers des professeurs du campus ! Alors dis-moi, qu’est-ce que tu fiches ?

- Oh, j’étais très occupé chez moi, voilà tout ! sourit Raphaël sans arrière pensée.

- Ne me dis pas que c’est le projet QB3 qui nous a privé de ta présence ! (D’un signe de la tête, Raphaël fit mine d’acquiescer et soupira plaintivement.) Qu’est que t’es boulot-boulot Raphaël, c’est incroyable ! clama Franck sans quitter des yeux la glace qui venait de lui être servie.

Gérald sourit jusqu’aux oreilles.

- Quel naïf tu fais Franck ! À l’entendre, je crois plutôt qu’il cherche à dévier la conversation. Crois-moi, notre ami nous cache quelque chose !

En fait je parierai bien avec toi que sa longue absence est liée à ce mystérieux coup de fil qu’il a reçu devant nous l’autre jour au snack…

Fais-moi confiance, il y a une femme derrière tout cela !

En écho à ces mots, Obéron ne put dissimuler un sourire révélateur sous les spots roses du jazzclub-glacier.

- Hummm, se contenta-t-il de marmonner, feignant de s’intéresser à la coupe de verre à pied bleu qui se trouvait en face de lui sur la petite table ronde et rose.

- Ah, j’en était sûr ! s’exclama Gérald en donnant un coup de coude exagérément fort dans le bras de Franck qui attaquait sa coupe glacée alcoolisée après avoir retiré les artifices de décorations.

Ça veut dire que j’ai raison, hein ? jubila-t-il.

- Hum-hum, fit à nouveau Obéron, continuant d’aspirer par le fond avec sa paille fantaisie son cocktail sans alcool.

- Est-ce que ce ne serait pas justement Raphaëlla, la chanteuse là-bas, qui chante " comme par hasard " « The androïd from Ipanema ", ta chanson préférée ? Elle a le ticket pour toi, on le sait, et toi pour elle, n’est-ce pas ? Allez, avoue ! On sait tous qu’elle a un faible pour les gars comme toi qui ont du sang français, alors…

- Je dois reconnaître qu’elle est adorable, mais non ce n’est pas elle, rit Obéron concentré sur le problème des cerises dans son cocktail qui, visiblement, ne passeraient jamais par la paille !

- Raphaël et Raphaëlla, ça aurait fait un drôle de couple, hein ? En tout cas, j’avais raison, il y avait bien une fille derrière cette curieuse et longue absence !

- Allez, raconte quoi ! T’es pas marrant ! trépigna Franck devant le mutisme de Raphaël.

- OK, OK, céda ce dernier en se redressant au-dessus de la table rose, comme tout le reste du mobilier du club. Tu veux voir quelque chose d’inhabituel ? Ne bouge pas !

- Ouais ! qu’est-ce que c’est ?

- Une lettre d’une fille pour moi !

- Oh ! Oh !

Raph sortit son portefeuille et l’ouvrit. Il y avait d’un côté la première lettre de Crystaléa Lowen-Soissanth et de l’autre sa photo.

- Tiens, écoute ça ! dit Obéron solennellement. " Mon coeur tremblait lorsque j’ai allumé mon terminal et vous étiez là, dans la B.A.L.T. 237. J’ai tapé mon code confidentiel et je vous ai lu…

Je vous ai lu sans attendre, le coeur tremblant, oh ! mon Cher Ami … "

- Qu’est que c’est que tout ça ? demanda York intrigué.

- Et bien voilà, je voulais m’acheter une Dorval.

- Une Dorval ? Mais de quoi tu parles ? le coupa aussitôt Gérald.

- Tu sais, à force, il arrive qu’on se lasse dans la vie d’aller danser, d’aller traîner au club S.F, de cette vie qu’on mène et qu’on veuille changer, qu’on veuille vivre quelque chose d’excitant, de motivant, de vrai comme par exemple partir à l’aventure en Dorval.

- Mais quel rapport avec la lettre ?

- Tu sais que je ne peux m’offrir un modèle neuf de Dorval, alors j’ai consulté les annonces sur mon terminal. J’interrogeais les serveurs de vente d’occasions lorsque je suis tombé par erreur sur cette annonce…

Attends ! Je pense l’avoir ici sur moi. Je l’ai également imprimé sur ma laser !

… Vas-y ! lis-là !

- " Origine asiatique, de culture et de nationalité française, J.F. 26 ans, douce, discrète, féminine, étudiante en psychologie informatique souhaite antécorrespondre avec J.H. sympathique, intelligent, niveau équivalent pour antécorrespondance complice dans le monde DREAMWAR© module THAGAMA 2074. "

Je connais ce genre d’annonce-là, les serveurs télématiques du club en sont toujours pleins ! Depuis combien de temps est-ce que ça dure ?

- On a échangé dix lettres…

- Dix lettres ! siffla York en haussant exagérément les sourcils.

- Oh, mais ce n’est pas une fille ordinaire, écoute ça !

" Êtes-vous grand ? Petit ? Avez-vous les yeux marron, gris, bleu ? Ne me dites rien car ce n’est pas important puisque nos âmes se comprennent… "

- C’est beau, soupira Franck songeur.

- Attends une minute ! poursuivit Raphaël en parcourant rapidement des yeux la lettre froissée qu’il avait sortie de sa poche. Ah, écoute !

" Nous avons suffisamment de problèmes dans notre vie quotidienne alors qu’il y a tant de grandes et belles choses passionnantes ici sur Thagama ; nous gâcherions de précieux moments en parlant des détails futiles de notre pain quotidien. Alors n’en faisons rien ! "

- Et toi qui osait me reprocher de passer trop de temps à jouer à l’antécorrespondance !

- Alors, comment s’appelle-t-elle ? D’où est-elle et quand nous la présentes-tu ?

- Du calme, Franck ! Chaque chose en son temps ! D’abord elle s’appelle Crystaléa Lowen-Soissanth, c’est MON antécorrespondante ; quant à la voir, il faudrait d’abord que je réussisse à trouver d’où elle m’écrit !

- Quoi ? Après dix méls, tu ne sais pas encore où est-ce qu’elle habite ? fit York, légèrement éméché.

Mais Raphaël avait toute son attention portée sur celui qui n’avait pas encore touché à sa coupe glacée alcoolisée. D’une voix rapide celui-ci s’étonna :

- Drôle de nom ! C’est le pseudonyme qu’elle t’a donné ?

- Non, j’ai l’impression que c’est son véritable nom. Mais mes recherches dans ce sens n’ont rien donné.

- Naturellement puisque c’est un pseudo ! le tança Gérald.

- Est-ce qu’elle est belle au moins ?

- Oui, souffla pensivement Raphaël en tirant de son portefeuille la photoroïde de son antécorrespondante.

- C’est une photo d’elle ? demanda Gérald en tendant le bras vers le carré de papier. Mais Franck réagissant plus vite que lui s’en était déjà emparé.

Naturellement, Franck ne put s’empêcher de siffler à la vue de Crystaléa. Quelques clients du jazzclub-glacier se retournèrent et une rousse qui passait par là au bon moment lui sourit en rougissant, apparemment flattée de provoquer pareille réaction.

- Elle est vraiment belle et doit être particulièrement intelligente puisque tu ne sais même pas d’où elle t’écrit après plus d’un mois de correspondance ! … Arrête-moi si je me trompe Raphaël !

- Gérald, puisque tu te prétends expert en antécorrespondance, (je ne crois pas exagérer en disant cela !) aide-moi donc à démêler ce sac de noeuds !

Franck plongea sa cuillère dans la glace de Gérald absorbé par le mystère " C. L.-S. ".

- Eh ! Tire tes pattes de ma glace !

- Mais juste pour goûter !

- Non ! Fallait choisir la même ! soupira Gérald.

Franck se renfonça au fond du canapé rose qui serpentait entre les tables d’un bout à l’autre de la salle.

Raphaëlla chantait à présent " Goody, Goody " et Franck, qui lui tournait le dos, était en train de se dévisser la tête en roulant des yeux vers la jolie chanteuse de Techno-Jazz.

Sans quitter des yeux la photo, Gérald intervint enfin :

- Parle-moi d’elle ! Dis-moi tout ce que tu sais ou crois savoir d’elle.

- Mis à part sa beauté fascinante, C’est une fille cultivée, sensible et gentille. Bref très intéressante. En plus, elle me domine depuis le début de la " partie ". C’est fascinant ! Son faux style 2074 AH ne se laisse jamais déborder par son style 1997 AJC ! Tandis que moi, je suis trop souvent anachronique : je n’arrive pas à utiliser aussi facilement qu’elle les expressions et le vocabulaire censés être d’usage sur cette planète. Il faut quand même préciser que c’est d’une complexité très inhabituelle.

Obéron fit une courte pause afin de boire un peu de son cocktail richement coloré.

- De toute manière, tout est bizarre dans ce livret !

- Où te l’es-tu procuré ? J’aimerai bien avoir le même ! demanda Franck, maintenant complètement avachi sur le canapé rose.

- Elle me l’a téléchargé dans ma B.A.L.T. personnelle, répondit simplement Raphaël. Il faisait trois cents quarante méga décompacté !

- Comment ça téléchargé ? fit Gérald intrigué.

- Dans ma réponse à son annonce, je lui ai précisé que je m’étais déjà livré à l’antécorrespondance mais que je ne connaissais pas les règles de correspondance entre " persos " supposés vivre dans le système Janus en 2074. J’ai même rajouté que je ne connaissais pas DREAMWAR de nom, alors je suppose qu’elle s’est sentie obligée de me télécharger tout le livret sur ma BALT.

- Moi non plus, je ne connais pas ce jeu ! Ça vient sûrement de sortir. Je n’ai même pas vu de publicité annonçant sa commercialisation !

- Tu sais, Franck, il peut s’agir d’une petite firme qui n’en a pas les moyens.

- Impossible ! C’est ce que j’ai pensé aussi, jusqu’à ce que j’édite le contenu de ma téléboîte à lettres sur ma laser couleur ! Je me suis demandé qui pouvait bien éditer DREAMWAR aussi j’ai commencé à éplucher le livret. C’est là que j’ai eu mes premiers doutes : les documents à ma disposition ne mentionnaient ni marque, ni nom d’auteur !

Gérald et Franck fixèrent Raphaël avec attention, tandis que Raphaëlla entamait " Sweet Georgia Brown " à sa façon.

Obéron avala une dernière gorgée de son cocktail sans alcool et reprit de plus belle :

- J’ai finalement supposé que c’était elle qui avait supprimé toute trace de l’origine de ses documents. Elle savait que télécopier un livret protégé par copyright était interdit alors pour éviter d’être repérée, elle a pris ses précautions et s’est apparemment contentée de m’envoyer que le strict minimum. En effaçant les copyrights elle s’imaginait peut-être pouvoir faire croire en cas de problème qu’elle pensait qu’il s’agissait de domaine public.

- Je ne vois pas ce que ça change, si elle est prise en flag ! C’est un raisonnement tordu mais vas-y continue ! Ton histoire m’intéresse ! l’interrompit Gérald.

- De toute façon, j’ai lancé un programme de recherche sur mon ordinateur. GAR va donc me dire ce soir si DREAMWAR est connu de la banque de sources de donnée du club Hypernova et de celle du syndicat des maisons d’éditions de jeux de rôles.

- Comment est-ce possible ? Ne me dis pas que tu as piraté leur accès confidentiel ! Je te croyais nul en télématique ! Toi, un pirate ?

- ça fait partie de mes talents cachés, mentit Raphaël avec un petit pincement au coeur pour Phoebé. C’était une chique fille et repenser à leur aventure passagère le tourmentait encore.

Mais pour revenir à l’essentiel, ce qui m’a beaucoup surpris ce n’est pas cette absence de nom ou de marque mais la qualité de ce livret.

- Décris-moi ce qu’il contient, s’il te plaît ! demanda Gérald de plus en plus captivé.

- C’est un des plus complets qui soient, il contient tous les éléments classiques d’un jeu de rôles, c’est à dire la description de l’univers THAGAMA 74, celle du personnage de ma correspondante inconnue, et cetera. Il n’y a malheureusement rien au niveau du scénario et des règles de jeu spécifiques à DREAMWAR.

Par contre les descriptions de l’univers en 2074 après l’hyperespace sont incroyables !

- Pour ce qui est du scénario, c’est normal ! C’est bien rare qu’une maison d’édition vous mâche autant le travail. On est souvent libre de faire ce qu’il nous plaît.

Quant aux règles de jeu ? Moi, je n’en ai jamais vu, c’est chacun pour soi et en avant toute pour la simulation et l’abordage mutuel !

- Attends j’oubliais, ce n’est pas tout ! Il contenait tous les éléments à connaître sur mon personnage. Je n’ai rien eu à faire il était déjà prêt !

- Elle te l’a préparé pour aller plus vite, c’est tout ! lui expliqua Lock. C’est très fréquent. Surtout quand l’un des deux joueurs connaît bien le jeu et que l’autre est novice.

Raphaël fit un signe en direction du serveur afin de commander un rafraîchissement. Il faisait une chaleur à crever et cette discussion donnait soif.

- Peut-être, reprit-il, mais la précision des descriptions de l’univers DREAMWAR a de quoi étonner. Figure-toi qu’il n’y avait pas moins de six fascicules, tous haut en couleurs. Que de la très haute définition en plus ! Plus proches du livre d’art que du fascilule en fait .

- Mais dis-moi, les éditeurs de jeux de rôles se seraient-ils enfin donné les grands moyens ?

- Je suppose, car ces documents ne peuvent sortir que d’un super-calculateur. Un Cray ou quelque chose du même genre !

- Tu veux dire que tous les documents sont des photos digitales ? s’étonna Gérald.

Raphaël acquiesça d’un sourire.

- Le plus fort, c’est que toutes ces photoroïdes sont vraiment superbes ! Celle où pose ma charmante inconnue s’intègre totalement parmi elles !

- Tu en fais une telle description que cela donne vraiment envie d’aller les voir chez toi ! Mais je ne suis pas aussi sûr qu’elles soient aussi extraordinaires que tu le prétends.

- Je ne suis pas de ton avis, déclara soudain Franck alors qu’il semblait s’être désintéressé du sujet au profit de la rousse du bar.

- Ah, oui ? Pourquoi ?

- Si Raph dit que DREAMWAR sort d’un super-ordinateur, cela signifie que ces documents doivent au contraire sortir de l’ordinaire !

- Mais pourquoi dis-tu qu’il leur a fallu un " Cray " ? Avec ton ordinateur, " Gar " comme tu l’appelles avec anthropomorphisme, on peut déjà faire de très beaux documents.

- À cause du réalisme des photos, des plans et des cartes du livret. C’est trop beau pour être faux, on s’y méprendrait vraiment ! Au début, j’ai bien cru qu’il s’agissait de documents authentiques ! Et puis surtout il y a la photoroïde de Crystaléa ! Elle fait partie intégrante du reste, je te le garantis Lock !

- Es-tu bien sûr que ce soit sa photo ? La boite qui va sortir DREAMWAR peut très bien accompagner les documents de diverses photos de personnages et ta correspondante s’est simplement contentée de choisir l’une d’entre elles.

- Non, je ne crois pas ; je ne sais ce qui me fais dire cela mais j’ai plutôt tendance à croire qu’elle a incrusté son visage sur une photoroïde du livret, fit Franck qui avait repris la photo.

- Fais voir ? Ça, de l’incrustation ? Et pourquoi pas de la création d’un bout à l’autre ? fit Gérald avec condescendance.

- En ce moment, je la fais analyser par Gar. J’ai mis au point un calcul de vérification d’ombres portées et des lumières reportées. S’il n’y avait personne lorsque la photo a été prise, Gar me le dira et ce sera la preuve d’une incrustation.

- Et si cette incrustation a été suivie d’un recalcul des ombres et des lumières tout cela ne servira à rien ! fit Gérald aussitôt. Ça vaut tout de même la peine d’essayer. Mais de tels calculs doivent demander des heures, n’est-ce pas ?

- 28 heures exactement !

- Quand auras-tu la réponse ?

- Cette nuit, si tout va bien.

- En tout cas, si tu veux mon avis, ce n’est pas ainsi que tu la démasqueras ! déclara Gérald. Comment crois-tu que j’ai démasqué cette adorable Méthylène Evans ? Il faut savoir poser les bonnes questions, voilà tout !

- C’est tout ce qu’il y avait dans ta B.A.L.T. ?

Le livret et les personnages, c’est tout ?

- Si ! Bien sûr qu’il y avait autre chose ! Une lettre de Crystaléa et une note de ma correspondante m’invitant à garder le secret !

- Une note d’elle ? Tiens, tiens ! fit Lock intrigué. D’abord cette annonce peu banale, ces documents d’origine inconnue et pour finir le secret !

- Naturellement, vous êtes mes meilleurs amis, aussi, je vous fais confiance ! Mais attention ! Si j’apprends que vous êtes allé raconté que…

- Ne t’en fais pas ! Compte sur moi !

- Et sur moi aussi naturellement ! souffla Gérald en clignant de l’oeil.

- Cela fait trop longtemps que nous nous écrivons. Moi comme commandant de l’armée de défense Jaazlénienne et elle comme marraine de guerre. Je commence à tenir à elle maintenant, vous savez !

Franck tapa sur l’épaule de son ami en guise d’approbation et se dévissa de nouveau en direction de Raphaëlla tandis qu’elle chantait " Dreams like mine ", une vieille chanson de Donna Hightower. En fait c’était sa chanson préférée et les paroles de Raphaël n’avaient maintenant plus de sens pour lui.

Gérald qui semblait douter de la véracité des propos d’Obéron, reprit quelques cuillerées de glace. Obéron crut un instant que celui-ci boudait.

Après l’avoir observé un moment, il mit ce changement d’humeur sur le compte de la jalousie : Gérald, en effet, était très souvent l’innovateur dans ce domaine et Raph allait peut-être bientôt lui voler la vedette.

Cette pensée le fit sourire jusqu’aux oreilles.

- En tout cas vous en conviendrez avec moi, cette antécorrespondante est pleine de mystère ! Ça donne envie d’aller plus loin, n’est-ce pas ?

Cela dit, il faut vraiment que cela reste entre nous ! Je ne tiens pas à ce que nous ayons des ennuis si elle s’était procuré ce jeu DREAMWAR de façon illégale.

- Comment ça illégale ?

- Des documents démarqués qu’on télécharge en demandant le secret absolu, je regrette de te le préciser Franck, mais ça fait pas très légal ! La fille de cette annonce sort d’on ne sait où sur mon écran et tu voudrais que je trouve ça légal ?

- C’est un peu fort ! balbutia Lock. Tu veux dire que tu n’es pas tombé sur son annonce en appelant par erreur l’agence de rencontre par antécorrespondance du club ?

- Non, pas du tout ! En fait, j’ai découvert son annonce d’une façon assez étrange. Je te l’ai dit je me trouvais parmi les annonces de vente d’occasion à la recherche d’une Dorval et je ne sais pas ce qu’il s’est passé mais à un moment je suis tombé sur des pages et des pages remplies de la même annonce. La sienne. Il semblait y avoir une erreur au niveau du serveur. Du moins c’est ce que j’ai cru au début. Maintenant, j’ai la conviction qu’il s’agissait d’une sorte d’annonce-virus.

Gérald sursauta sur ce dernier mot et sembla soudain vouloir cacher sa surprise.

- Au fait ! Comment s’appelle ton " perso " ?

- Raphaël Obéron !

- Pas de pseudo ? T’es con ou quoi ? lâcha Lock.

- Au contraire ! c’est le meilleur pseudonyme qu’on puisse trouver ! Elle ne pensera sûrement pas que c’est mon vrai nom !

- Mouais, pas si bête ! marmonna Franck Lock.

- De toute façon Raph, si c’est par une annonce virus qu’elle t’as contacté, cela signifie qu’elle s’y connaît en télématique. Comme elle a ton numéro de B.A.L.T. personnelle, ça ne m’étonnerait pas qu’elle sache remonter à partir de ce numéro jusqu’à ton vrai nom.

- Si c’est vrai Gérald, pourquoi jouerait-elle alors à ce jeu ? demanda Obéron un peu perdu.

- Peut-être pour le plaisir de se faire démasquer !

- Ou bien pour le plaisir de le rencontrer ! surenchérit Franck en rajoutant un clin d’oeil complice vers le professeur de Neurologie fondamentale.

- Peu importe ces détails étranges ! intervint Gérald. Ce que je ne comprends pas c’est que d’ordinaire les documents d’antécorrespondance sont édités par des boites spécialisées dans les jeux de rôles. C’est bien la première fois que j’entends parler d’une antécorrespondance directe, ne passant pas par une agence de rencontre ou un club de S.F. comme Hypernova. Je serai très curieux de voir ces documents. Mais il se fait tard et demain, comme vous le savez, il y a cours et on ne peut pas les sécher puisque c’est nous les profs !

Un rire complètement bête s’échappa de la gorge d’Obéron.

- Et ta glace ? demanda aussitôt Franck alors que Gérald enfilait sa veste.

- Termine-la va ! De toute façon, je n’avais plus réellement faim.

Tandis que Franck se ruait sur sa proie glacée, Raphaël regarda partir Gérald avec une hâte inhabituelle. Son départ précipité était en total désaccord avec l’importance des événements. S’il ne s’était agi de son meilleur ami, Raphaël aurait trouvé que cette trop grande ardeur sonnait faux mais celui-ci pensa, peut-être à tort d’ailleurs, qu’il se prenait trop au jeu du petit détective trop soupçonneux. Il revint à des considérations moins sérieuses et s’amusa quelques instants à regarder Franck s’enivrer de glace alcoolisée. Sa joie disparut totalement quand il se rendit compte qu’il allait devoir ramener Franck chez lui tout seul. Il était trois heures moins le quart, Raphaëlla avait cessé de chanter depuis peu et que le pianiste fatigué achevait de vider le bar-glacier à coup de fausses notes. Raphaël Obéron paya avec sa carte de crédit réservée du campus et entraîna Franck York en direction des escalateurs de sortie.

*