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Premiers Doutes - Chapitre 19

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Chapitre 19 - Brunch

19

Brunch

Après avoir marché plusieurs minutes dans de longs couloirs rigoureusement identiques au leur et s’éclairant devant eux au fur et à mesure de leur progression, Mu-Sharon et Obéron se retrouvèrent face à ce qui avait toutes les apparences d’un restaurant libre-service automatique.

Sans surprise, la pièce s’éclaira à leur approche comme le reste de ces lieux. Les distributeurs s’allumèrent et clignotèrent quelques minutes comme un chien montre des signes de joie lorsque son maître revient au foyer.

À la vue des chaises et des tables disposées en ordre sur la gauche et des distributeurs sur la droite, Malcom afficha une mine réjouie et se tournant vers Raphaël :

- À ce qu’il me semble, tout a été prévu pour nous ! N’est-ce pas extra ?

Légèrement tendu, Raphaël essaya de lui sourire mais en posant la main sur un plateau son sourire s’effaça aussitôt.

- Waah ! quelle poussière ! Vous avez vu ça ? Ce n’est pas rassurant ! On dirait que ça n’a pas servi depuis des lustres !

Mu-Sharon ne paraissait pas décontenancé pour autant, sa faim était vraiment son " facteur limitant ".

- Vous croyez que ça marche encore ? reprit-il voyant que Mu-Sharon cherchait à obtenir des machines quelque déjeuner copieux.

- C’est bien ce que nous allons voir !

*

Assis à l’une des tables, leurs plateaux remplis de barquettes fumantes, les deux compères reprenaient des forces.

- Vous voyez bien que vous aviez tort de vous inquiéter à cause de la poussière, c’est tout à fait mangeable, non ?

- En tout cas, nous n’avons toujours pas rencontré quelqu’un ici et le fait que tout soit automatique ne me plaît guère.

- Ah ? Pourquoi ? s’étonna Malcom Mu-Sharon la bouche pleine d’une sorte de purée rouge. La nourriture n’est apparemment pas avariée et tout marche comme il faut alors qu’est-ce qui vous tracasse ainsi ?

- L’état des lieux. On dirait que rien n’a été touché depuis des siècles. Mais regardez cette poussière !

- Pouah ! Mais arrêtez nom d’un gork ! J’ai pas fini de manger.

Bon, c’est vrai c’est anormal, reprit-il, au début je nous croyais dans une clinique du sommeil mais je vois que je me trompe. Primo parce qu’on n’aurait pas eu à sortir ce réfectoire automatique de sa léthargie et secundo parce que j’attends toujours les charmantes infirmières !

- Toujours le mot pour rire ?

- J’suis comme ça. Quoiqu’il arrive, je trouve toujours le côté positif des choses.

- Et c’est quoi le côté positif de se retrouver quelque part plus ou moins amnésique ?

- Ce libre-service aurait pu être en panne et vous auriez dû affronter Malcom Mu-Sharon quand il n’a pas déjeuné !

- Merci Thagaï mon dieu, fit Obéron joignant les mains avec malice.

Malcom passa son doigt sur la table.

- Quoi qu’il en soit, cet endroit n’a pas été nettoyé depuis très très longtemps. À croire qu’on est dans des ruines d’un âge avancé !

- En parlant de ruines, reprit-il après un silence, j’ai vraiment l’impression d’être dans des catacombes.

Lentement, il balaya des yeux les couchettes alignées face au libre service.

- Ça y ressemble beaucoup mis à part que ce lieu est rempli de vivants. En fait, à y réfléchir un peu, ça fait plus penser à un dortoir d’abri antiatomique.

- Pardon ? fit Raphaël qui écoutait jusque-là d’une oreille distraite.

- Ouais ! vous m’avez compris, je crois que nous sommes dans un abri souterrain destiné à nous protéger de " l’arme absolue ".

Cette fois, il avait dit ces mots sans ironie et son regard avait perdu sa gaieté naturelle.

- J’ai bien peur que vous n’ayez raison, fit Raph en balayant du regard à son tour les rangées de dormeurs.

Malcom empila ses barquettes vides et jeta le tout dans ce qu’il avait jugé être une poubelle-broyeur puis replaça son plateau avec les autres.

Obéron trouva cela complètement absurde en un moment pareil mais finit par l’imiter.

Un long silence passa.

Les deux compères digéraient difficilement, comme vidés de l’énergie dont ils se vantaient à leur réveil.

- Et si tout ceci n’était qu’une mise en scène, une sorte de canular ?

- Une sorte de test ?

- Oui.

- Mais pour tester quoi ?

- Notre comportement dans une telle situation, je ne sais pas…

- À quoi bon ?

- Non tout ceci est bien réel, ce dortoir géant, ces dormeurs, ce repas, cette poussière… Pourquoi ferait-on une telle mise en scène ? Qu’est-ce qui a bien pu vous faire penser ça ?

- Le fait que je ne me souvienne de rien excepté de mon nom et de mon rêve. A priori, on devrait se souvenir des événements qui nous ont conduits ici, non ?

- Pas évident. Si nous sommes restés aussi longtemps que le laisse penser cette couche de poussière, il est à redouter que nous ayons oublié jusqu’à notre vie d’avant ça. En joignant le geste à la parole, Malcom montra du doigt la rangée de dormeurs qui se trouvait de l’autre côté de la baie du self.

Raphaël s’avança vers la paroi vitrée et s’appuya sur la rambarde.

Bras croisés sur le bord étroit de la baie, le visage à quelques centimètres de la vitre, il étudia silencieusement les rangées de cabines durant quelques minutes.

Soudain des flashs de son rêve s’imposèrent à son esprit comme si le rêve voulait recommencer.

Il courait avec une femme à travers des rangées assez semblables à celles qu’il avait sous les yeux, fuyant quelque chose. Une menace invisible.

Des souvenirs d’avant peut-être ?

*