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Premiers Doutes - Chapitre 26

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Chapitre 26 Amnérèse

26

Amnérèse

Trente longues secondes de noir, trente longues secondes de néant et soudain des flashs de souvenirs (ou n’étaient-ce encore que des images virtuelles ?) volèrent vers Obéron, de l’infiniment loin jusque par-dessus sa conscience, comme un vol de chauves-souris dérangées dans leur grotte.

Les souvenirs-chauve-souris étaient fragmentés et mélangés comme des fichiers sur disques durs. À l’image d’un puzzle qu’on casse filmé à l’envers, chaque morceau semblait vouloir rejoindre la place qui était la sienne.

Le présent vola à quelques centimètres de sa conscience. On aurait dit le passé tourné à rebrousse-temps. Malcom, Crystaléa, Jahler et quelques autres se tenaient face à lui souriants. Leurs lèvres articulaient des mots invisibles. Crystaléa essayait de le faire réagir.

Jahler s’interposa et prononça des paroles visiblement rassurantes à son égard. Raphaël comprit les derniers mots articulés au ralenti : " Illl diiigèèèrrreeeee… ".

Être dans le présent sans y être le mit mal à l’aise. Depuis la grotte de souvenirs, les gestes de Crys semblaient vouloir répondre à son malaise.

Mais brutalement tout s’effaça. Le passé qui n’avait pas eu sa chance voulait être vécu et s’imposait à sa conscience.

*

Avant que le néant noir ne laisse sa place au passé, Paul-Raphaël perçut très distinctement le vent sur ses joues, un vent frais et vivifiant. Le son du vent lui parvint d’abord faiblement, comme précédé par son écho puis crescendo vers un maximum qui fut atteint tandis que venaient à lui déformés des bruits de brindilles écrasées et de pas dans un sol spongieux.

Une voix " noire " s’écria soudain :

- Hé, Joe, vise un peu ! La capt’aine ! Puis encore plus joyeusement : Hé, Joe ! La capt’aine est revenue !

Raphaël ouvrit les yeux dans le passé-présent.

Une femme noire en treillis sortait de derrière un tronc d’arbre couché au sol. Elle lâcha sa gourde et son bazooka laser et s’approcha à grandes enjambées de Raphaël Obéron.

- Formid’ Capt’aine ! Vous y êtes arrivé !

Une gradée accourut avec le reste de sa troupe, sortant de diverses tentes au milieu d’un dôme de distorsion artificielle.

- Capitaine Lowen-Soissanth ! Soulagée de vous voir en vie, lui dit-elle en lui serrant la main chaleureusement.

Raphaël lâcha enfin la main de Crystaléa, il était en pays ami.

La gradée lui tendit la main.

- Votre arrivée est un vrai miracle, Commandant Obéron. Notre bonitizer ayant cramé, nous craignions d’émettre le signal trop fort. Enfin ! Thagaï soit loué, vous êtes là !

Ils avancèrent vers le campement, centré autour du bonitizer cramé et d’un ben-mann à haute pression.

- Ah ! Rien de tel pour remonter le moral du commando ! poursuivit-elle en parlant encore plus vite. Vite ! Vite ! Venez me faire votre rapport sous ma tente !

Malgré sa forte corpulence, elle enjamba avec légèreté un autre tronc d’arbre couché au sol juste avant de se glisser dans une tente kaki détrempée.

- Avez-vous eu des problèmes ? lâcha-t-elle en leur indiquant deux pliants vert-forêt.

- Hélas, oui ! Et pas des moindres ! Les mnémotubes ont été détruits lors de mon entrée dans la prison.

- Oh ! Gaïa ! Comment avez-vous fait alors ?

- Avec l’antécorrespondance. (Après une demi-pause,) je n’avais pas le choix !

La gradée tiqua, regarda le commandant puis à nouveau la capitaine.

- À part l’amnésie rétrograde, tout va bien.

La femme soupira avec soulagement.

- Bon ! Je veux une vérif’ complète avec le scope du psy dans une demi-heure ! Je vous l’envoie…

- J’ai peut-être la solution à ses problèmes, ne bougez pas, conclut-elle en ouvrant les pans de la tente pour sortir.

*

- Alors, qu’en dites-vous ?

- Séléna May-Quaranth… vous êtes merveilleuse ! Je n’aurais jamais espéré cela. Les derniers prototypes Miranda !

- Qui est Miranda ? demanda Obéron sans malice.

- Miranda n’est personne, c’est le nom de code des mnémotubes. Ceux-ci sont les tiens, Raph, et tu les as enregistrés le… BIP BOP BIP BIP… le vingt - deux - quinze - soixante - quinze ! Extra, non ?

- Si c’est une date, elle ne me sert à rien, je ne sais pas celle d’aujourd’hui ni à quoi elle correspond !

- C’est le dernier Miranda que tu as enregistré avant de partir en mission et de te faire arrêter. Si nous nous en servons il ne te restera plus que quelques mois d’amnésie. Et ces mois d’enfermement en constituant la majorité, c’est comme si tu allais tout retrouver !

*

- Ça va faire mal ? demanda nerveusement Obéron, la tête coiffée d’un casque relié à une machine inconnue de lui et le corps allongé sur un lit de camp rudimentaire.

- L’essentiel est là dedans, mon chéri. Reste tranquille et tout ira bien !

*