Premiers Doutes - Chapitre 4

Premiers Doutes - Chapitre 4

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Chapitre 4 - Muscul'

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Muscul’

- Alors, Raphaël, n’avais-je pas raison ? N’est-ce pas là le meilleur moment pour venir entretenir notre forme ? fit Gérald Lock prenant un ton faussement mondain tandis qu’il tournait ses yeux joyeux vers son ami.

Pour toute réponse, celui-ci expira bruyamment en fin d’effort, agrippé à la barre fixe de la salle de musculation du Még’.

- Ah ! Enfin, ‘pas trop tôt, souffla Lock en voyant arriver face à lui, sur l’écran vidéo couplé à sa bicyclette, le " sommet de la colline " et la fin de ses efforts.

Après quelques tours de pédalier, l’avant de sa bicyclette montée sur vérins pneumatiques redescendit doucement, redonnant à Gérald l’impression temporaire de rouler sur du plat.

Il le savait, il venait de gravir la partie la plus difficile de son parcours simulé sur ordinateur et la " redescente " par le " bois des Nez percés" n’allait pas tarder. L’écran vidéo renvoyait l’image d’une longue pente se terminant en virage au milieu d’une orangeraie resplendissante.

Les vérins pneumatiques couinèrent doucement de nouveau au milieu des bruits d’haltères et de ressorts.

- À cette heure, l’avantage c’est qu’il y a moins de monde, fit Gérald, reprenant son sujet de conversation comme un magnétophone dont on aurait relâché la touche pause. Regarde toi-même, la moitié des bancs de musculation n’est pas occupée. C’est tout de même plus agréable, non ? D’abord il fait moins chaud et ensuite il y a moins de bruit. La preuve : c’est qu’on entend mes oiseaux !

- Tes oiseaux ? Humpfff ! Encore trois et j’arrête ! Pfff ! lâcha Raphaël le visage en sueur.

- Je parle des bruitages de ce truc pardi ! T’avais dit trente tout à l’heure et je n’en ai compté que vingt-deux, railla Lock.

- Humpff ! Va t’faire ! Pffffou !

Gérald éclata d’un rire joyeux et tourna son guidon pour éviter de quitter la route virtuelle.

Obéron se laissa choir à côté de lui sur le tapis-mousse bleu. Ruisselant de sueur, il semblait n’avoir plus la force de saisir la bouteille d’eau minérale posée entre Gérald et lui.

- Un peu de course avec moi, maintenant ? Tiens donne m’en un peu aussi, j’ai soif.

- Deux secondes ! Laisse moi respirer veux-tu ?

- Tiens au fait, lança Gérald, on murmure que Jenkins va recevoir le prix Meg’ 97 pour son projet ARTÉSIA, tu es au courant ?

Raphaël retira son pantalon sans ôter ses chaussures et grimpa sur le tapis roulant à gauche de son ami.

- Jenkins est un con, lâcha-t-il en tirant sur les bords de son short noir à bretelles qui moulait superbement son corps musclé.

- On fait un bout de chemin ensemble ? Où es-tu ? reprit-il en activant le tapis roulant à pente variable.

- O.K. ! Cale-toi sur le kilomètre dix virgule deux. Chemin huit bien sûr ! Tu vois, j’ai bientôt fini le parcours !

L’écran vidéo qui se trouvait face au tapis roulant de Raphaël s’alluma sur un chemin identique à celui de Gérald, en fait une reproduction " exacte " du sentier du chipmunk.

(Ce sentier, qu’ils auraient donc pu réellement emprunter, faisait en effet le tour du mégacampus. Quels avantages voyaient-ils donc à venir dans cet endroit confiné sentant la sueur ?

Pour Gérald, l’avantage avancé était qu’il ne pouvait interrompre une balade réelle au grand air sous prétexte qu’un banc de musculation s’était libéré ou tout simplement parce qu’il en avait marre ! Mais la raison essentielle à leur enfermement raisonnait au-dessus d’eux : l’ordinateur ne jugeait pas utile, en effet, de simuler l’exceptionnelle pluie d’orage qui bombardait le plexidôme du puits de jour de la salle de musculation.)

Ainsi les deux amis couraient et pédalaient sur le chemin virtuel N° 8 dit " chemin du chipmunk ". Face à eux, des écrans de grandes dimensions s’appliquaient à simuler chaque détail de ce parcours sans véritable difficulté.

Les deux écrans jumeaux n’affichaient pourtant pas exactement la même image ni les mêmes indications :

D’une part, sur chacun d’entre eux, incrustés sur deux lignes en bas de l’écran, figuraient la position, la distance parcourue, la vitesse moyenne et la vitesse instantanée.

D’autre part, l’écran de Gérald, censé représenter ce que voyait un cycliste, dessinait dans ses coins supérieurs des rétroviseurs. Dans ces derniers, on pouvait d’ailleurs voir courir un petit personnage en costume bleu tandis que roulait au milieu du chemin, face à Raphaël, un vélo bleu monté par un personnage en costume rouge, presque aussi rouge que la figure de Franck qui venait d’arriver sur le rameur à gauche de Raphaël.

- Désolé les amis, je ne peux pas vous suivre dans les bois, fit-il hilare en allumant son écran vidéo.

- Eh ! Baisse un peu le bruitage de tes rames s’il te plaît, tes " floc-floc " me donne envie d’aller pisser ! répliqua Obéron.

- T’as qu’à aller derrière un de ces arbres ! fit Gérald en éclatant de rire sans retenue.

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