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Premiers Doutes - Chapitre 45

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Chapitre 45 - Kryptton

45

Krypton

Essoufflés, ils arrivèrent enfin à quelque pas de la fin du tunnel. Celui-ci s’était progressivement resserré sur une petite ouverture, d’où leur parvenait cette lumière intense.

La peur les avait encore rapprochés. Crystaléa serra plus fort la main d’Obéron.

Un monde nouveau s’offrit alors à leurs yeux.

Lowen-Soissanth fut la première à franchir la petite ouverture, suivie de près par son compagnon. Celui-ci eut l’impression de se retrouver comme à la sortie d’un interminable escalier au sommet du plus large gratte-ciel qui soit. À perte de vue s’étendait une terre étrange, verte et apparemment d’origine cristalline.

- Fascinant ! lança finalement Léa stupéfaite par le paysage avant de s’agenouiller pour examiner le sol.

- Ça alors ! Ce paysage est vraiment dingue ! Tu as vu ? On dirait que ce sol vert est complètement minéral !

- Ça me rappelle les décors en Ray-tracing de ce bon vieux jeu vidéo de ZARKANYON IV ! C’est marrant, on croirait même marcher sur une planète entièrement faite de Kryptonite !

- Criptonite ? Qu’est-ce que c’est ?

- Hein ! ? Oh ! pardon… C’est un minéral imaginaire qui sort tout droit de TERRE 1997. C’était dans un vieux film de science fiction qui s’appelait SUPERMAN.… Ah, c’est trop drôle !

- Je ne trouve pas ! Regarde autour de toi ! Il n’y a rien ! C’est si plat que l’on voit à des kilomètres à la ronde. Où qu’aille mon regard, il rencontre cet unique horizon vert.

- Écoute Léa, il faudrait savoir ! Quand tu es dans le noir, tu te sens mal et maintenant que l’on est au grand jour, tu trouves que ça ne va pas non plus !

- Nous ne sommes pas plus avancés maintenant, dans cette sorte de désert vert qui s’étend à perte de vue ! Je ne comprends rien à ce qu’il nous arrive !

- Alors que fait-on ? sourit Raph tandis qu’une brise légère soulevait les cheveux de Crystaléa avec une grâce infinie. Raphaël se surprit à être jaloux du vent. Comme il aurait voulu être à sa place en cet instant, virevoltant dans ses longs cheveux soyeux !

Crystaléa resta un moment silencieuse. Elle n’arrivait pas à exprimer avec des mots ce qu’elle ressentait en cet instant. Passer d’une phobie des espaces clos à celle des espaces infinis la rendait encore plus tendue. Elle inspira l’air frais qui la caressait, jusqu’à emplir ses poumons au maximum. Une peur étrange s’était emparée d’elle. Pourquoi craindre ainsi que l’air ne vienne à disparaître, comme ça, sans raison ?

Elle expira en plusieurs secondes, comme pour se relaxer et répondit que bien qu’ils ne puissent savoir où ils se trouvaient, elle préférait quitter cet endroit au plus vite et marcher droit devant, dans l’espoir d’arriver quelque part.

- Je suis de ton avis, avançons ! lui lança-t-il avec un dynamisme simulé.

*

Après plusieurs heures subjectives de marche, ils arrivèrent au bord d’une crête circulaire. De loin, cela avait l’allure d’un cratère. Le sol de cristaux verts était lisse à cet endroit, comme s’il avait fondu sous l’effet d’une onde thermique gigantesque.

Ressemblant à s’y méprendre à une vague de boue verte figée dans le temps, la crête se dressait devant eux, les dominant d’une bonne cinquantaine de mètres de haut.

Le ciel était d’un bleu pur et Raph clignait de ses yeux clairs tandis qu’il regardait vers ce relief curieux au milieu de ce désert de dunes cristallines. Mais au fond depuis leur arrivée dans ce désert vert, ses pensées, clairement analysées, ne convergeaient maintenant que vers une seule et même idée.

- C’est étonnant, n’est-ce pas ? C’est lisse comme une pierre polie. Quel contraste au milieu de cet immense désert de lignes brisées ! dit Lowen-Soissanth doucement.

Raphaël, à ces mots regarda Crystaléa. Sans un mot, il s’approcha d’elle, ses yeux ne quittaient pas les siens. L’envie était trop forte, il se rapprocha encore plus près.

Sa voix, déjà, avait diminué d’intensité : les pensées de Crys n’étaient pas non plus à ce qu’elle disait.

- Tu ne crois pas qu’on devrait essayer de grimper cette… Les lèvres de Raphaël s’étaient refermées sur leur proie.

Crystal passa ses bras autour de sa taille. Ses mains caressèrent son dos en remontant vers sa nuque, abandonnant l’idée de terminer un jour sa phrase.

Au bout de quelques instants seulement, Obéron s’aperçut que le vent avait cessé. Comme s’il respectait cet élan d’amour intense que l’un et l’autre avaient freiné jusque là.

Raphaël saisit la main douce et légère de sa femme et l’emporta en direction de la crête. Sa main était chaleur et amour.

Partageant son silence, elle le suivit sans hésiter.

La crête ne faisant qu’une cinquantaine de mètres de haut mais sa surface lisse rendait son escalade difficile. Enfin ils parvinrent à son sommet.

Il s’agissait bien d’un rebord de cratère, mais cela ne les surprit guère. En revanche ce qu’ils découvrirent au centre de celui-ci était particulièrement spectaculaire !

Il y avait là, une colline abrupte qui présentait à son sommet tronqué une construction vraiment extraordinaire. C’était une sorte de temple de l’Olympe d’une surface ivoire marbrée gris-bleu, ornementé à la japonaise et dont il se dégageait quelque chose de véritablement fantastique.

Sans hésitation, ils dévalèrent la pente vers l’intérieur du cratère et foulèrent au pied de la crête un gazon soyeux.

- Incroyable !

- Je n’en crois pas mes yeux ! surenchérit Léa.

La végétation était de plus en plus importante à mesure qu’ils s’approchaient de la grande colline au centre du cratère. En s’avançant dans l’herbe, Obéron constata qu’il s’agissait en fait d’une pelouse entretenue avec une minutie tout à fait britannique. En fait, rien de ce qui les entourait était naturel.

La pelouse était d’une splendeur étonnante. Il n’y avait aucune mauvaise herbe pour gâcher cette impression de pureté qui émanait de celle-ci, juste quelques fleurs par-ci par-là, des primevères sans doute, qui venaient ajouter à l’immense étendue de verdure une note de gaieté avec leur quelques pétales colorés de jaune, de violet ou de rose.

Le terrain qui paraissait plat depuis la crête du cratère était en fait très bosselé, à la manière d’un golf sans trou. Ça et là, des buissons et des arbustes en nombre croissant venaient rompre la monotonie du décor.

Plus loin, ils croisèrent les premiers arbres, en bosquets d’ornementation. Vers la gauche de Léa, on pouvait maintenant distinguer des arbres fruitiers, plantés sans ordre non loin d’une petite cascade qui naissait au milieu de la colline centrée au milieu du cratère.

Cet agréable " jardin " semblait entourer la grande colline et de toute évidence, son jardinier l’entretenait avec beaucoup d’attention et beaucoup de goût. Indéniablement, l’Homme avait dessiné ces lieux dans un souci d’esthétisme poussé.

Léa et Raph se dirigèrent instinctivement vers la cascade aux aspects tranquilles.

Elle avait été aménagée et s’écoulait dans un petit bassin bordé de pierres taillées en marbre, remplis de nénuphars en fleur.

C’était un lieu divin.

Pour Obéron, l’Éden ne devait pas être très différent de ce lieu là.

*

Un immense cercle mégalithique rappelant vaguement le site de Stonehenge* entourait le jardin. Obéron ne l’avait pas remarqué en pénétrant dans celui-ci car les mégalithes étaient assez espacés et le plus proche d’eux était caché par un cyprès majestueux. Les pierres dont était fait l’immense cercle, étaient translucides et roses. À proprement parler, il ne s’agissait pas vraiment de pierres mais de cristaux géants évoquant étrangement le Cristal de Dark Crystal.

La grande colline était couverte d’arbres splendides aux couleurs variées. Toute la palette des verts était représentée. Par endroits, quelques taches de jaunes, de rouges bordeaux magnifiaient la beauté de la forêt.

La pente de la grande colline était plus abrupte qu’il n’y paraissait et Obéron se demanda un instant s’il ne se trouvait pas un chemin en lacets un peu plus loin. Si les habitants du temple avaient aménagé la cascade, il devait certainement y avoir un moyen pédestre de relier l’un à l’autre sans gravir directement la pente.

Soudain, Léa poussa un cri.

- Eh ! Regarde là-bas, quelque chose approche !

Accroché par un ballon fantastique, une nacelle avec des roues flottait dans l’air en avançant dans leur direction.

La nacelle se posa à une dizaine de mètres d’eux. Son ballon se dégonfla et disparut derrière une trappe.

Étrange, le petit véhicule blanc qui s’était approché d’eux en silence et avec souplesse rappelait à Raphaël le robot " Robby " qu’il avait vu dans Planète Interdite, un vieux film de science-fiction de 1955 .

Cette comparaison le fit sourire car ce personnage était typique de la science-fiction des années cinquante : positif, irréaliste et idéaliste.

C’est presque sans surprise qu’il entendit parler ce véhicule aux allures de jouet géant !

Tioube, c’est ainsi qu’il s’était présenté avec désinvolture, les emmenerait au pied du temple.

Pourquoi l’avaient-ils suivi ? Pourquoi avaient-ils accordé leur confiance à ce robot-voiturette qui était venu les chercher sans explication et avait déclaré simplement vouloir les emmener auprès de son maître ? Était-ce parce que son maître lui avait donné une " physionomie " sympathique ou parce que son arrivée signifiait simplement qu’on les attendait ? Obéron n’aurait su répondre. Ce qui l’intriguait en cette circonstance était de savoir si le créateur de Tioube avait lui aussi vu ce film culte Planète Interdite. En effet comment expliquer autrement que l’arrivée de Tioube ait à ce point mis en évidence la ressemblance des situations entre celle d’Obéron et Crystaléa arrivant dans un monde inconnu et celle de l’équipage du croiseur intersidéral C57D arrivant sur Altair 4, la Planète interdite du Dr Morbius.

Fallait-il y voir un signe de la part du créateur de Tioube, une sorte de message avant le message ? Telles étaient les pensées de Raphaël Obéron tandis que la voiturette blanche glissait en direction du temple.

Au fur et à mesure qu’ils s’en rapprochaient, Léa sentit monter en elle l’intuition qu’ils allaient rencontrer quelqu’un d’extraordinaire.

Finalement, Tioube arriva sur une aire d’atterrissage construite en face d’une porte de bois aux dimensions mycéniennes. La porte s’ouvrit lentement sur l’intérieur du temple.

Prudent, Obéron se rapprocha de Léa tandis que Tiube s’envolait loin d’eux.

À une vingtaine de mètres d’eux, un homme était assis sur un fauteuil en pierre bleutée, admirablement sculptée de bas-reliefs non figuratifs comme l’était également le bord de l’estrade au milieu de laquelle il se trouvait.

- Je vous attendais ! fit-il en souriant. Entrez Raphaël et Léa, entrez ! Et venez donc vous asseoir près de moi.

- Mon nom est Schéma, rajouta-t-il comme pour les encourager à s’avancer.

L’homme semblait sincèrement accueillant. Obéron le dévisagea longuement avant de s’installer sur un fauteuil de pierre semblable à celui de son hôte et qui venait de sortir du sol par un mécanisme invisible.

L’homme était musclé, athlétique et imberbe. Sa peau légèrement halée et nue était couverte d’une sorte de toge blanche et soyeuse. Le vent jouait à l’agiter régulièrement.

*