premiersdoutes-chapitre46

Premiers Doutes - Chapitre 46

Accueil - Sommaire - Chapitres : 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59

Chapitre 46 - Explications

46

Explications

- Bienvenue, je vous attendais depuis si longtemps ! répéta-t-il.

L’homme semblait s’attendre à lire la stupeur sur leur visage. Obéron et Lowen-Soissanth étaient interloqués. C’est à peine si Léa réussit à bredouiller :

- Vous… Vous nous attendiez ? ! Mais qui êtes-vous ? Et où sommes-nous ?

- Voulez-vous bien nous dire ce qu’il nous est arrivé ?

- Holà ! Doucement ! J’ai tant de choses à vous dire qu’il vous faudra être patients !

La frustration se lut sur leur visage.

- Vous donner une explication claire est vraiment loin d’être facile, croyez-moi ! L’homme inspira lentement par le nez en regardant le ciel.

- Je m’appelle Schéma, pardon, je me répète, se reprit-il aimablement. Je suis en quelque sorte, le maître de ces lieux.

Sa main effleura un bouton sur le bras du fauteuil et l’estrade se mit en mouvement. Elle se souleva et amorça une translation en diagonale vers l’intérieur du temple.

Sans bruit, ils parvinrent au-dessous d’un plafond percé d’un trou carré dans lequel vint s’emboîter l’estrade. L’étage supérieur dans lequel ils avaient émergé s’apparentait à un salon entouré d’une sorte de péristyle. Le mélange d’architectures à dominantes japonaise et romaine était assez étonnant.

Schéma se leva, fit quelque pas puis ouvrit ses bras en pivotant sur lui-même montrant l’étendue de son domaine.

- Ce lieu est ma seule maison, c’est aussi ma carapace… J’ai suivi vos aventures depuis le début et c’est un peu grâce à moi si vous êtes enfin ici. Rassurez-vous, vous ne courrez plus aucun danger maintenant. Je vous le garantis, vous n’avez rien à craindre chez moi !

Croyez bien que je suis désolé de la façon dont vous avez été arrachés au Nexus mais je n’avais pas le choix…

Raphaël fronça les sourcils mais se retint d’interrompre son hôte. Celui-ci, il le sentait, allait lui apporter tôt ou tard toutes les explications souhaitées.

- À présent, permettez que je vous offre un petit quelque chose.

Au milieu des fauteuils, une table basse émergea d’une trappe dissimulée parmi les dalles de marbre de l’estrade. D’appétissants amuse-gueules y étaient disposés avec harmonie sur un plateau de bois exotique.

Leur hôte les invita à se servir tandis qu’il goûtait avec une gourmandise non cachée une bouchée dorée à la saucisse.

- Sachez donc que contre toute apparence, nous sommes dans un univers virtuel. Et vous, Aram Obéron, Fiona Obéron-Xantos - puisque ce sont vos vrais noms - comme tant d’autres, vous êtes prisonniers sous R.A.O. dans ce monde. Bienvenue sur Terre en l’an 2028 après Jésus-Christ !

Leur hôte s’arrêta un instant. Son regard fouilla l’esprit de ses visiteurs. Il y voyait la consternation, le désarroi et la peur. La vérité n’était pas bonne à dire mais il fallait poursuivre.

- Cet univers est calculé par l’ordinateur le plus puissant jamais construit sur Terre ! KREYG, est son nom.

- KREYG, reprit-il en parlant délibérément plus lentement, d’une voix qui se voulait réconfortante, est le coeur qui fait vivre une base sous-marine : la base Alpha-108. 108 parce que posée par 108 mètres de fond sur la plate forme continentale américaine dans le golfe du Mexique au sud de la Nouvelle Orléans.

Depuis que la troisième guerre mondiale a éclaté, il utilise non seulement le réseau mondial des ordinateurs encore en fonctionnement mais également des cerveaux humains !

Ces cerveaux humains réduits à l’état de composants, sorte de super-mémoires et de super-coprocesseurs ne sont utilisables qu’à l’état de sommeil paradoxal. Seule une partie du cerveau est mise en jeu par KREYG.

Vous faites partie de ces cerveaux !

Schéma sembla désolé de leur avoir annoncé ces vérités aussi brutalement.

Apparemment, ses deux visiteurs ne semblaient pas tant surpris et désappointés qu’il ne s’y attendait.

- Quant à moi, je suis aussi virtuel que tout ce qui vous entoure. Je suis l’Homme Virtuel, pur produit du génie de l’homme. Contrairement à ce que vous pourriez penser, je ne suis pas une sorte de conscience du KREYG mais bel et bien un homme, ne vivant que dans et grâce au KREYG.

Nous sommes reliés mais je ne le commande pas. Enfin, pas entièrement…

Ainsi, je peux modifier tout ce qu’il me plaît sur ce domaine…

La réalité sera dure à comprendre si je ne me sers pas du projecteur tridi et je ne vois aucune raison pour ne pas l’utiliser…

Schéma s’était levé. Les mains sur les hanches, il paraissait heureux de la présence de ses visiteurs au sein de son pseudo-monastère.

Sa main exécuta des signes dans l’espace, comme en langue des signes.

L’image de la Terre sortit du néant comme si un deus ex machina avait ôté le voile qui recouvrait une lanterne magique.

La Terre, comme vue de l’espace, se débarrassa de ses nuages et les frontières internationales se dessinèrent comme tracées par une nuée de crayons invisibles. L’année 2028 s’afficha en grosses lettres trois-D à distance du globe, à hauteur du tropique du cancer. La Terre tourna sur elle-même quelques tours avant de s’immobiliser, le continent américain face aux interlocuteurs.

- Hum, fit Schéma en se grattant le menton comme si une imaginaire barbe naissante le démangeait. Retirons les Océans, ce sera plus simple !

L’image du réel laissa la place à celle du calculé, de l’interprété : les terres émergées se tintèrent en dégradé de beige. Les eaux s’effacèrent et révélèrent les fonds marins en dégradé de bleu. Quelques villes importantes scintillèrent sur les terres émergées. Quelques chiffres s’affichèrent également, des profondeurs sûrement.

Un point lumineux clignota au sud de ce qu’Obéron estima être la Nouvelle Orléans. Il était inutile à Schéma de préciser la signification de ce point.

- Rapprochons-nous encore un peu, se contenta-t-il de rajouter tandis que ses doigts s’agitèrent à nouveau devant lui.

Ici, vous apercevez le plateau continental Nord-américain, reprit-il alors qu’une flèche animée aux formes molles était venue d’on ne sait où pour pointer ledit plateau tandis que le compteur d’années affichait 1997.

*

- Je ne sais pas par où commencer tellement cette histoire est complexe. Trop de questions vont se poser si je n’utilise pas le projecteur tridi. Les images parleront mieux pour moi. Asseyez-vous confortablement, la séance va durer assez longtemps, je crois.

Schéma ouvrit la main droite devant lui puis ramena ses phalanges vers sa paume en cassant le poignet.

Raphaël et Crystaléa ou plutôt Aram et Fiona, sursautèrent alors que les fauteuils venaient de passer sans prévenir de la pierre au cuir confortable. Remis de leur surprise, ils s’installèrent à leur aise.

- Sachez donc que nous sommes sur Terre en l’an 2028. Comme je vous l’ai dit, nous bavardons actuellement dans le monde virtuel mais avant d’en venir aux raisons qui vous ont amenés ici, il me faut revenir loin en arrière.

Je sais que ce qui compte pour vous, c’est que je réponde à ces : Quand, Où, Pourquoi et Comment qui jaillissent de votre esprit à chacune de vos pensées. Mais pour vous expliquer Où, il me faut donc vous décrire l’univers réel dont vous avez été privés depuis trop longtemps.

Pour commencer, il me faut vous parler de la réalité extérieure. Ensuite seulement, j’essaierai de vous expliquer ce qu’il est arrivé avant et après votre " transfert " ici.

Sachez pourtant dès maintenant, et je dis cela pour te rassurer Fiona (où préfères-tu que je t’appelle encore Crystaléa ?), que vous êtes bien vivant quelque part et que contrairement à moi, vous avez de l’autre côté, une réalité : un corps de chair et de sang dans lequel bat un coeur.

Schéma se rapprocha de l’holocarte et chassa de sa gorge un chat virtuel. Aram reconnu l’un des aristochats. Ce trait d’humour détendit Crystaléa bien qu’elle ne put saisir l’allusion.

- En 1997, débutèrent ici, à 108 mètres de profondeur sur ce plateau continental sous l’Atlantique, les travaux de construction de la base sous-marine " Alpha-108 ". Ceux-ci s’inscrivaient à l’origine dans le programme préparatoire de la NASA à l’installation d’une colonie martienne. Une Biosphère y fut implantée et des essais de survie en milieu hostile furent réalisés de 1998 à 2012. La découverte d’un champ inattendu de nodules très particuliers à proximité de la base fit d’elle, la première base sous-marine du monde en superficie et population aux alentours des années 2010.

Durant ces explications, le projecteur tridi avait zoomé sur l’emplacement de la base Alpha-108 et la simulation du développement de la base à travers le temps commença tandis que les années défilaient sur le compteur à présent au niveau de l’équateur suite au changement d’échelle de la représentation trois-D.

Des dômes d’habitation, de culture hydroponique et d’élevage aquatique poussèrent tout autour de la biosphère d’origine alors que le compteur passait de 2005 à 2008. En dix ans, la base avait quadruplé de surface et faisait véritablement figure d’une ville sous-marine.

- Atlantide n’aurait pas rougi de colère si l’on avait osé la comparer à la base Alpha-108. C’était une ville en avance sur son temps. Une ville rapidement internationale où de nombreux scientifiques vinrent s’installer pour y étudier des domaines les plus variés, parfois liés de très loin à la colonisation martienne ou océanique ou à l’utilisation des nodules locaux.

La nécessité d’accroître les capacités de calculs du mégacalculateur de la base se fit de façon exponentielle car non seulement il servait à contrôler le bon fonctionnement de la base sous-marine mais de plus il servait aux recherches scientifiques et contrôlait le réseau de connaissances. Quant un bâtiment était rajouté à la base, cela rajoutait de nouvelles tâches de contrôle au mégacalculateur ainsi que de nouveaux calculs scientifiques à accomplir. Aussi vous constatez comme moi que le volume du bâtiment qui contenait KREYG, c’est le nom de code de ce mégacalculateur, a été multiplié par dix.

Quand la base martienne fut établie à l’image de la base Alpha des débuts, la base Alpha cessa d’évoluer pour garder cet aspect jusqu’en 2023. Alpha devint une ville internationale, une ville consacrée à la recherche comme à la production de métaux rares, de végétaux marins et de poissons. Des modules d’aquaculture de surface furent reliés en permanence à la base dès 2010.

Aram était stupéfait par la richesse des détails de la représentation 3D de la base mais il n’avait pas perdu de vue que tout cela ne le rapprochait pas de la vérité.

- Mais quel rapport la base Alpha a-t-elle avec nous ? fit-il avant que Schéma ne se lance dans la description détaillée de la base Alpha.

- J’y viens. Toute votre aventure n’aurait pas eu lieu si voilà cinq ans, n’avait éclaté la plus surprenante des guerres. Une guerre surprise, sans motif, sans fondement. Une guerre que personne ne voulait. La plus folle des guerre que l’histoire retiendra jamais.

Pendant longtemps, les rescapés du chaos cherchèrent à comprendre pourquoi des milliers d’hommes et de femmes périrent sous le feu des armes chimiques, biologiques et nucléaires ; pourquoi ceux qui avaient échappé par miracle à la destruction mouraient de froid dans la souffrance et l’horreur de la barbarie qui s’installa au lendemain du jour J.

J’ai longtemps cherché moi-même l’esquisse d’une réponse mais cela n’a plus vraiment d’importance maintenant. Ce n’est d’ailleurs pas le propos.

La Terre a bien changé par rapport à sa copie virtuelle sur laquelle tu as séjourné, Aram. Ta Terre de 1997 vivait en paix. Celle d’aujourd’hui aspire à survivre à la nouvelle ère glaciaire dans laquelle l’humanité s’est elle-même plongée…

Schéma regarda le couple horrifié par ces nouvelles, marqua une courte pause et reprit aussitôt ses propos car il savait que ce qu’il allait leur annoncer leur redonnerait espoir.

- La base Alpha échappa à la destruction et à la glaciation grâce à sa situation sous-marine. Son fonctionnement fut à peine ébranlé par le chaos et seul le drame psychologique en affecta ses habitants. Deux colonnes de production thermoélectriques étaient en construction, la première était un prototype en état de fonctionnement, qui avait accumulé une réserve d’énergie suffisante pour faire fonctionner la base à 75% du plein régime jusqu’à la mise en fonctionnement de la seconde tour. Leur autonomie était donc assurée car leur potentiel de culture d’hydroponique et d’aquaculture était intact.

Quand la 3ème guerre mondiale s’est déclenchée, les savants de la base Alpha constatant qu’ils étaient peut-être les seuls rescapés en situation de relever la Terre de l’abîme où la folie de l’homme l’avait plongé, tentèrent de mettre en place un programme de récupération des connaissances humaines disséminées dans le monde grâce au réseau mondial.

Il leur fallut agir très vite, les réseaux qui soutenaient le cyberspace international n’étaient pas encore interrompus or ils leur permettaient d’accéder à un nombre colossal d’informations. Ils récupérèrent ces données par des moyens autrefois illégaux, et firent jouer à KREYG le rôle d’un cyberaspirateur de connaissances scientifiques et techniques !

En piratant tour à tour les ordinateurs encore en fonctionnement connectés au réseau, ils espéraient sauver de l’oubli, toutes ces connaissances que l’Homme avait acquises au fil des siècles. Leur idée était qu’une civilisation nouvelle pourrait émerger de la base Alpha. Alpha serait le phare de l’espoir.

Autrefois ce piratage aurait été jugé comme de l’espionnage et aurait déclenché un terrible conflit diplomatique, mais à cet instant décisif, il n’y avait plus que la notion de survie de l’humanité qu’il fallait considérer. L’humanité ne devait pas perdre le fruit de tant de siècles et risquer de retourner à la barbarie !

- C’est la légende de l’Atlantide à l’envers !

- C’est un peu cela, oui, approuva Schéma en hochant de la tête.

- La grande collecte dura plusieurs jours et rapidement KREYG devint l’équivalent de la bibliothèque de Constantinople du temps jadis.

Tout le problème était que KREYG ne pourrait jamais engloutir les données internationales de millions d’ordinateurs. Il allait vite être saturés si l’on ne trouvait pas rapidement un moyen d’augmenter à nouveau ses capacités de stockage.

C’est ce qui arriva à peine sept jours après le jour J, KREYG était saturé : son fonctionnement n’était plus optimal, il fallait trouver une solution d’urgence !

Bien sûr, toutes ces informations n’étaient pas vitales pour la survie de l’humanité cependant, devant l’ampleur de ce savoir, il leur était difficile de dire non à tout va. Les savants alphans durent faire des choix, et se résigner à voir disparaître certaines connaissances, y compris des données scientifiques, des trésors de la littérature, des pages d’histoire et des pages de poèmes fabuleux ; tout cela parce que les capacités de leur ordinateur ne suffisaient pas ! Le conseil d’administration de la base, formé en majeure partie de chercheurs scientifiques de tout horizon, fut chargé de ce problème.

Les Obéron froncèrent les sourcils en même temps. Schéma était sur le point de leur annoncer quelque chose de terrible et un frisson de peur leur parcourut le dos d’avance.

- Pour que vous compreniez la solution qu’ils choisirent, je dois ouvrir une parenthèse.

Vous le savez, nous sommes dans l’univertuel ; un univers virtuel qui a considérablement évolué depuis sa naissance. Toi Aram, tu as de la chance en quelques sortes, d’avoir vécu en 1997, car tu as vu l’éveil de la Virtualité et surfé sur Internet. D’un point de vue historique, tu le sais, l’univers virtuel s’est développé depuis les années quatre-vingt à une vitesse impressionnante du fait des progrès énormes réalisés en informatique, tant sur le plan logique que physique.

Les mondes virtuels que tu as connus n’existaient que par l’intermédiaire d’ordinateurs d’un genre ancien, peu adaptés à simuler d’une façon plausible la réalité. En revanche, l’univertuel dans lequel je suis né et dans lequel vous êtes enfermés en cet instant n’existe que grâce à la connexion de cerveaux humains au plus puissant ordinateur jamais créé par l’homme. La science a permis l’interfaçage Neuro-Cybernétique, c’est à dire le branchement interactif entre le cerveau d’un humain et le cerveau d’un ordinateur. La science avait abouti à ce progrès fantastique avec de nobles buts. Le but principal du " Grand Interfaçage " était de permettre l’avènement des cyborgs. La volonté, qu’un tétraplégique ou qu’un aveugle puisse vivre comme tout un chacun, a décuplé l’enthousiasme des chercheurs. De nombreuses applications du G.I.N.C. attendaient leur heure de gloire. La virtualité cybernétique n’attendait que cela pour transformer le monde. L’interfaçage neuro-cybernétique fut aux mondes virtuels ce que l’avion fut aux cieux.

Grâce à lui, certains chercheurs avaient découvert qu’on pouvait modifier par ordinateur notre mémoire à long terme. On pouvait y lire et y écrire ! Et le plus surprenant était que l’ordinateur pouvait écrire dans notre mémoire d’une façon qui prenait moins de place que s’il avait écrit ces données sur des mémoires de masse classiques !

Cette idée folle avait germé dans l’esprit des chercheurs de la division Neuro-cybernétique, projets avancés ; elle fut mise en pratique dans l’idée de faire mémoriser à des hommes des encyclopédies qu’ils pourraient consulter à tout moment. Bien sûr, cela était plus cher à réaliser que les cyber-prothèses encyclopédiques classiques et faisait double emploi avec elles. Aussi, bien que ne nécessitant pas de cyber-support, cette autre méthode d’extension des capacités du cerveau n’avait pas encore d’avenir économique. Ce projet avait été donc laissé plus ou moins à l’abandon jusqu’au conflit. En revanche, l’écriture de données informatiques dans le cerveau humain ou E.D.I.C. donna naissance au R.A.O. qui jusqu’à la guerre était encore l’objet de recherche fondamentale et n’avait pas d’application commerciale.

Par ailleurs, d’autres chercheurs avaient entamé des travaux pour associer des cerveaux humains à un mégaordinateur afin de créer un méga-réseau neuro-cybernétique. Le mégaordinateur ainsi obtenu, était comme un gigantesque processeur et les cerveaux humains ses co-processeurs et ses " mémoire de masse ". Mais pour réaliser cette chimère incroyable, les cerveaux utilisés devaient être en état de sommeil paradoxal. En outre, plonger les volontaires sous R.A.O. avait pour effet d’accroître les capacités d’enregistrement des cerveaux humains !

Pour en revenir aux jours qui suivirent le jour J, le G.I.N.C., l’E.D.I.C. et le R.A.O. eurent ici les conséquences dramatiques que vous imaginez bien. Et cela parce qu’il était impossible de fabriquer des mémoires de masses conventionnelles dans les délais impartis.

Ainsi, après deux jours sans autre proposition réaliste, le conseil fut placé devant un cruel dilemme : perdre à jamais des connaissances pour garantir la survie à court terme ou garder ses connaissances pour la survie à long terme en employant un moyen délicat et dangereux pour la santé mentale de quelques-uns des habitants de la base Alpha.

Devant la pression des savants et l’insistance de certains volontaires, le projet fut donc mis en oeuvre ! L’univertuel d’accueil fut " Orange II, Terre 1997 " parce qu’il s’agissait d’un campus virtuel particulièrement adapté pour ce projet.

Le mégaordinateur sans qui cet univertuel n’existerait pas, c’est KREYG, dans ce bâtiment là ! fit Schéma en pointant le plus gros bâtiment de la base sans se servir d’artifices virtuels comme cette comique flèche molle qui s’animait comme un poisson au-dessus de la représentation 3D.

- Ce que je dis n’est pas vraiment exact, reprit-il. Ce bâtiment est KREYG, c’est vous dire qu’il s’agit bien là du plus grand ordinateur jamais construit par l’homme. Mais ce n’est pas tant sa taille qui fait de lui le plus puissant à l’heure actuelle, mais ceci !

Son doigt pointa sur un long bâtiment de trois étages qui flanquait le KREYG.

- C’est là que reposent les corps des hommes et des femmes qui comme vous sont plongés dans le rêve de l’univertuel et servent ainsi à KREYG de coprocesseur neuro-cybernétiques et de mémoires.

Étant donné les progrès constants de l’informatique, vous pouvez imaginer la puissance de calcul de KREYG !

- Mais qui s’est porté volontaire ? s’inquiéta Aram en se redressant dans son fauteuil.

- Un grand nombre des volontaires provenait des rangs des étudiants. Après quelques essais forts concluants, le projet avait été présenté comme sans risque et personne ne pouvait prévoir l’arrivée de ce fou de colonel Tyson et de son sous-marin atomique.

En principe, les volontaires faisaient un roulement et ne restaient que quelques jours dans le cyberspace sous R.A.O., tout juste de quoi permettre la conservation des données en attendant la fabrication d’unités de sauvegarde purement cybernétique.

Malheureusement, moins de quinze jours après le déclenchement de la troisième guerre mondiale, la base Alpha fut attaquée par un sous-marin atomique. À son bord, le colonel Tyson et un équipage entier contaminé par le VFA.

- Le V.F.A. ? Mais qu’est-ce que c’est ? demanda Fiona qui malgré tout, rassurée par la manière d’agir et de s’exprimer de Schéma entrevoyait une force positive, une source d’espoir intarissable.

- V.F.A. sont les initiales de virus de la folie aléatoire. C’est vraisemblablement de lui qu’est née le conflit mondial actuel. On ne sait presque rien sur son origine… Le mieux serait qu’on reporte à plus tard ce sujet. J’ai peur de vous égarer en entrant dans les détails de la 3ème Guerre mondiale et des armes qui sont apparues pendant ce conflit.

Sachez surtout que lorsque la division Tyson a pris le contrôle de la Base, ce fut une horreur inoubliable. Les nombreux prisonniers qu’elle a fait sont allés remplacer les volontaires.

Par la suite, Tyson a découvert que le R.A.O. était un système pénitentiaire très rentable. D’une part il n’y avait plus lieu de surveiller les prisonniers mais en plus il avait trouvé le moyen d’accroître encore les capacités de stockage de leurs cerveaux. Il lui suffit de laver leur cerveau par un mélange de drogues pharmacologiques puissantes. Créer des implants pour " stabiliser " les prisonniers amnésiques dans leurs R.A.O. ne lui fut pas très difficile.

Le Colonel Tyson était un homme très intelligent. Son Q.I. dépasserait les 190 d’après KREIG. Je suis persuadé qu’il s’est servi du R.A.O. pour accroître ses connaissances en Neuro-cybernétique.

Depuis que les réseaux internationaux ont été complètement rompus, nous disposons de la plus gigantesque bibliothèque de l’histoire de l’humanité.

Tyson s’est fait surnommé " Grand Atlantideus ", sa mégalomanie est sans limite ! Lui, un dieu ! Un Führer de la " Nouvelle Atlantide ", voilà ce qu’il est plutôt ! ironisa Schéma.

Il veut être le maître du nouveau monde ! Rien que ça ! Et le pire, c’est qu’il y a tout ce qu’il faut dans KREYG pour qu’il y arrive…

Heureusement, quelqu’un s’est opposé à lui au bon moment. Et grâce à lui, Tyson ne peut accéder à l’ensemble des connaissances militaires que nous avons récupérées…

*

La nuit virtuelle était tombée sans que ni l’un ni l’autre ne le remarque. Progressivement, quelques appliques s’étaient automatiquement allumées, créant une atmosphère intime et chaleureuse. La pièce était à présent baignée d’un lumière rose-orangé et les crépitements d’une flambée virtuelle rendaient celle-ci particulièrement apaisante.

Schéma se leva et s’étira. Son récit l’avait fatigué ! Il s’excusa auprès de ses amis et leur indiqua leur chambre !

Aram fut un peu surpris de le voir se coucher. Comment comprendre qu’un homme virtuel soit fatigué ? Fiona quant à elle semblait avoir deviné les raisons de cette mise en scène et l’approuvait.

En écoutant mieux son corps, Aram sentit en lui les signes d’une fatigue profonde et bien réelle. Pourquoi chercher à comprendre, finit-il par admettre en remontant la couverture sur lui et sa cyber-compagne.

*