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Premiers Doutes - Chapitre 51

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Chapitre 51 - Vérités

51

Vérités

- Tu veux voir la vérité en face ? Alors suis-moi ! Je vais te la faire visiter !

- Visiter ? Obéron se tut avant d’en dire plus.

" Viens et laisse-là tes questions " aurait-dit Yoda, pensa-t-il. La guerre des étoiles… encore un autre souvenir de " Terre 1997 ". Inutile de le dire à haute voix, ils ne saisiraient certainement pas l’allusion !

Schéma marchait à quelques pas devant Crystaléa et Aram, il était vêtu à présent d’un pull en coton gris-beige, d’un pantalon couleur mercure et de bottes montantes dont la texture rappelait celle du plastique.

Cela n’avait duré qu’un instant pour que sa tenue change par " morphing ". Ses formes s’étaient troublées pendant deux secondes puis leur nouvelle apparence s’était révélée comme par mise au point autofocus.

Il s’excusa d’utiliser cette méthode devant ses amis : mettre des habits d’une façon réaliste lui coûtait trop.

Ils quittèrent les bâtiments japonais en direction d’une dalle de pierre albâtre située sur une petite butte à quelques dizaines de mètres plus loin.

Une porte se dessina devant eux au milieu de la dalle et Schéma la franchit sans hésiter. Pourtant de l’autre côté il n’y avait rien ! Il allait poser le pied dans le vide.

Non, une marche venait de se dessiner juste à temps sous son pied. Et une autre devant elle, et une autre encore…

Obéron se risqua avec réticence sur la première marche. Elle avait l’air vivante… Sa texture et ses couleurs changeaient comme un ciel au coucher du soleil.

- C’est beau, n’est-ce pas ? déclara Schéma avec fierté. Encore une de mes productions naturellement. C’est mon côté artiste, je ne peux pas m’empêcher d’y mettre la forme…

L’escalier menait à un disque de lumière, en fait une surface solide éclairée par un puissant projecteur. Schéma s’avança jusqu’au centre de la dalle ronde et signa à l’intention de KREYG.

Un silence profond remplaça le chant des oiseaux et le murmure du vent dans la plaine qui leur parvenait encore.

Progressivement, des petits cliquetis résonnèrent tandis qu’un bruit sourd semblable au ronronnement d’une puissante ventilation vibrait jusque dans leur corps.

À peine Obéron avait-il quitté la dernière des marches qu’elles disparaissaient avec un petit bruitage adorable.

Schéma était fantaisiste et son monde recelait plein de surprises.

Durant tout leur trajet sur les marches vivantes, Schéma s’était fait phosphorescent dans le noir, le perdre de vue aurait été difficile !

Le disque de lumière s’éteint et le néant frappa Obéron en pleine poitrine, il avait horreur de ça. Comme flottant dans l’espace sans étoile. Une impression on ne peut plus désagréable !

Quand la lumière réapparut, ils se trouvaient à l’intérieur d’une sorte d’ampoule électrique géante, surmontant un immense bloc de plastique et de métal occupant les trois-quarts d’une salle aux dimensions de géants. Le plafond se détailla en premier puis les murs, enfin la salle virtuelle dans laquelle ils " se trouvaient " maintenant se remplit de lits rangés en colonnes et rangées parallèles aux murs et espacés les uns des autres d’un mètre cinquante environ. Sur chacun d’eux dormait un " transféré ".

- Voilà, la vérité, Aram, mon frère. Regarde ces transférés, elle est là la vérité !

La vérité c’est que ni l’un ni l’autre ne pouvions sortir seul de KREYG sans entraide !

La vérité, c’est que moi, le joueur B du Cyber-Hexéchec, j’ai rêvé de quitter kreyg grâce à la fabrication d’une unité autonome répondant à tous mes désirs et mes besoins ! J’ai rêvé d’un corps humain comme ceux que tu vois ici ! Et maintenant que grâce à toi j’ai de bonnes chances de l’avoir, j’ai peur. J’ai peur de te perdre, toi mon frère jumeau, et j’ai peur de mourir !

La vérité, c’est aussi que j’ai peur d’essayer de sortir. Ici, j’ai créé un super-système de défense pour ma propre survie mais j’en suis prisonnier.

D’abord prisonnier de mon syndrome Bêta, je suis devenu prisonnier de mes envies " d’avant ", les tiennes Aram… Alors j’ai visité tous les mondes virtuels d’enseignement et de recherche, ainsi que les mondes de tourisme virtuel, et cela n’a fait qu’empirer mon syndrome Bêta. Depuis que vous êtes là, je vais mieux. Alors vous comprendrez que je n’ose pas prendre de risque de voir tous mes efforts s’écrouler.

Aram, tu étais le seul homme qui pouvait me permettre de récupérer les codes des canaux de transferts inter-mondes, me permettre de devenir humain. Quand Tyson vous a enfermé, il m’a privé de l’espoir de sortir de Kreyg et à présent que vous êtes à mes côtés…

Une multitude d’éclairs bleus jaillit soudain autour d’eux !

Le peu de décor présent s’effaça soudainement pour ne laisser qu’un espace blanc englobant le spot rond.

- Que se passe-t-il ? cria Fiona effrayée.

- C’est Tyson, il cherche à nous repérer. Mon système de défense a fonctionné, je vous avais dit qu’il était dangereux de vouloir s’approcher des transférés.

- Pourquoi ? Ce n’était pas virtuel ?

- Si, la téléprésence fait partie du domaine du virtuel mais c’est plus compliqué que cela… Je ne saurais vous l’expliquer simplement mais ne craignez rien, depuis que vous êtes dans ce monde, mon monde, Tyson ne peut absolument plus rien tenter contre vous.

- Ton monde est comme ces fameuses bulles stériles destinées à protéger les immunodéprimés, il nous protège des agressions du monde extérieur mais il est impossible dans sortir, il est notre prison.

- Ce n’est pas une prison, ce monde n’a pas de limite, objecta Schéma. Vous pouvez aller où bon vous semble… sans quitter ce lieu. Vous pouvez obtenir tout ce que votre imagination désire et même davantage ! Et ce n’est pas une publicité ! acheva-t-il en esquissant un sourire peu convaincant.

Obéron ne répondit pas, comment pouvait-il se persuader que ce monde n’était pas une prison puisque c’était bien sa fonction. Schéma était-il devenu fou ? Quelle confiance pouvait-il lui accorder ?

Il jeta un regard évaluateur en direction de sa compagne. Elle semblait plutôt rassurée par les propos de Schéma. C’était dans sa nature de croire tout ce qu’on lui disait tandis que, lui, voyait des problèmes qui n’existaient pas.

Voyant qu’il n’avait pas été très convaincant, Schéma reprit d’une voix posée :

- Je sais bien ce que tu penses en ce moment, Aram, et je n’essaie pas de te mentir, ou de t’embobiner, bien sûr nous sommes tous les trois prisonniers de l’univertuel, mais réfléchis et compare… Il n’y a rien que tu ne puisses faire ici que tu ferais dans la réalité. Bien au contraire, tu peux " réaliser " toutes les fantaisies qui te passent par la tête !

Mets-toi à ma place, je n’ai pas encore le choix, moi. Je ne peux pas m’imaginer que je vais me réveiller dans la réalité et " récupérer " mon corps. Je suis une âme désincarnée artificiellement créée par ordinateur. Je suis une cyber-âme. Mon existence n’est possible qu’ici mais ne vas pas t’imaginer que je ne vous mens pas afin de ne pas rester seul à nouveau. Bien au contraire, je ferai tout pour que vous quittiez ce monde, c’est dans mon intérêt que vous réussissiez. Parvenez à sortir et ma joie sera sans limites !

Léa et Aram semblèrent touchés par ces propos mais Schéma ne leur laissa pas le temps de répliquer.

- Seulement attention ! Je ne vous laisserais jamais partir si vous n’avez pas une seule chance de ne pas vous faire reprendre de l’autre côté !

*