Premiers Doutes - Chapitre 5

Premiers Doutes - Chapitre 5

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Newton

Mégacampus Orange II, Hall 8, 8h30.

Dans le silence matinal, quelques étudiants encore endormis se hâtaient de prendre place dans leurs amphis avant que n’arrivent les professeurs.

- Ah ! Tu vois, Kanéda, j’aurais dû le parier avec toi ! lança Wilfried Gutfrind en tenant la porte de l’amphithéâtre 8-A pour son ami. Les groupies du prof sont déjà campées face au projecteur d’hologramme ! Quel malheur ce serait si elles rataient une seule seconde de l’animation d’introduction !

- Je donnerais cher moi aussi pour avoir autant de jolies filles à mes pieds, fit Kanéda en lâchant bruyamment la porte.

- Une seule me suffirait ! Mais j’y pense, si tu les veux, fais comme lui, tu n’as qu’à t’exiber nu sur un podium ! Toutefois je préfère t’avertir, tu es loin d’avoir le physique du prof et encore plus loin d’avoir son cerveau !

- Rien ne dit que les muscles de l’apollon sont ses propres muscles. La tête de l’écorché-hologramme est bien la sienne, mais le corps ? Après tout, qui sait si ce n’est pas un montage ? Un coup de palette graphique et hop !

- Moi, je sais ! Ce n’est pas un montage ! Je l’ai vu une fois par hasard, à poil dans les douches du complexe sportif du Még’. Ce mec est aussi musclé que l’hologramme le laisse imaginer.

- Bref je n’ai aucune chance ! j’ai face à moi le concurrent le plus difficile à évincer : beau, musclé, brillant, intelligent et surtout célibataire et salarié ! Ce n’est pas ma bourse d’étudiant qui pourrait entretenir une seule de ces groupies !

Wilfried Gutfrind posa son ordinateur et se laissa choir sur un strapontin dans un " sboïng " magistral. Kanéda l’imita, histoire d’attirer aussi l’attention des jeunes filles convoitées.

- Tiens, tu as changé d’ardoise ? fit Téol en sautant par-dessus sa rangée pour les rejoindre.

- Ouais ! je viens de l’acheter, ma dernière a rendu l’âme avant-hier.

- NEWTON 290, hein ? Le dernier modèle avec lecteur laser de mini CD-ROM " T.H.V. " ¯ , lecteur de carte à puce et stylet sans fil…

- Ça, l’autre l’avait déjà, sourit Wilfried. Celui-ci est ultraperformant mais les changements sont surtout internes :

Couvercle-tablette de saisie format A4 avec écran couleur tactile 64 bits très haute résolution, matrice subsolaire… - Ardoise® 14.0, processeur MOTOROLLA NG-500 mégahertz et architecture renforcée : pas moins de 7 " copros ", reprit en choeur Kanéda à qui Wilfried avait déjà fait " l’article ".

- Et la mémoire : 10 giga sur le disque dur, 120 méga de mémoire vive unifiée et de mémoire graphique !

- Tu ne crois pas que c’est un peu beaucoup pour l’usage que tu en fais ? Je suis sûr que tu as honte du prix que tu as payé.

- Pas du tout. D’abord cette ardoise me sert à tout : pour mes cours, mes comptes, mes vidéos, je m’en sers même de télévision, de magnétoscope, mais pas encore de machine à laver rassure-toi ! En ce qui concerne le prix, comme ils m’ont repris l’ancien, j’ai pu bénéficier d’un prix d’autant plus avantageux qu’ils ont appliqué les dernières baisses des composants électroniques coréens.

En plus maintenant la politique des pots cassés est révolue. La concurrence est trop rude. Fini le temps où l’on payait 2000 dollars une bécane qui deux ans après n’en valait plus le quart sans qu’on ait jamais eu un système parfaitement rodé !

Téol ne semblait pas impressionné, simplement amusé.

- Comme tu vois, je reste attaché à mon bon vieux Newton 20. Il est assez rapide pour interpréter mon écriture sans attente et il est toujours compatible avec les mini CD-ROM des profs. Bien sûr, si j’essayais un peu le tien, je dirai vite que le mien est une vraie tortue mais comparé à ce que j’avais avant, je sais qu’il est amplement suffisant. Ce serait du luxe de suivre l’escalade des compétences de ces toutous !

- Toutous ?

- Ben ouais, ces choses pleines de puces auxquelles on s’attache si facilement !

- ‘Tention, v’là le prof ! mâcha Kanéda en ouvrant son Cahier Pro ® 430CDS. Son index activa l’icône du cours de neurologie assisté par ordinateur, à l’effigie d’Obéron. Mais il laissa son stylet dans son rangement, au creux de la " reliure " de son Cahier Pro. Son regard venait en effet de se reposer sur les groupies du prof, en fait sur le seul intérêt qu’il accordait à ce cours.

- ‘Sont bien excitées aujourd’hui, jamais vues comme ça ! lui glissa Wilfried qui partageait son intérêt pour Kloé, Mathilda, Phoebé et les autres.

- Je me demande bien pourquoi. Le prof aurait-il décidé d’ôter le cylindre qui censure son anatomie, serait-ce le strip-tease total aujourd’hui ?

- Lui ? Faire un strip’ ? Bien trop pudique ! Déjà, je m’étonne qu’il n’ait rien changé à son programme depuis que tu lui as signalé que depuis leur vigie, les groupies voient en transparence certaines choses… Tu l’as fait, n’est-ce pas ? Oh ! Non ! Ne me dis pas que tu ne l’as pas fait ! Mais pourquoi ?

- Tu sais parfaitement que ce serait faire une croix définitive sur ces jolies muses. Fais-le toi et ce sera fini de cette vague amitié qu’elles te témoignent !

- Messieurs, verriez-vous un inconvénient à suivre mon cours pour une fois ? firent les haut-parleurs de l’amphithéâtre à plein volume.

- Et merde, on s’est encore fait repérer !

*

Comme à chaque début de cours, Obéron mit en marche le projecteur holographique. Derrière son épaisse vitre de cristal polarisé, la machine émit son doux ronronnement félin.

Au-dessus du socle illusoire qui se matérialisait toujours en premier, apparut la silhouette préférée des fameuses groupies d’Obéron. Dans sa quasi-nudité, celle-ci fit un tour sur elle-même avant de présenter son profil droit. Comme d’habitude, quelques filles sifflèrent l’apparition du canon masculin.

Le sexe et le postérieur de la statue holographique avait été censuré par Obéron. Une sorte de cylindre translucide entourait son bassin qu’elle rendait complètement flou.

Cela semblait provoquer chez les passionnées des premiers rangs un mécontentement certain qui se soldait toujours par quelques huées ironiques au milieu des sifflements admiratifs.

- Eh ! Phoebé, chuchota l’une des fans vers son amie, toi qui t’y connais pas mal en informatique, dis-moi, comment a-t-il fait pour obtenir cet holo’ de lui ?

- Très simplement ! Il a dû se faire passer un scanner de la tête au pied au centre médical. Il a dû ensuite récupérer les données pour les transformer en ça !

- Mais comment ? Un scanner donne des coupes, pas une vision 3D !

La jeune fille hésita avant de répondre. Le professeur venait de commencer son cours. Devoir pousser si loin ses explications à demi-voix semblait la gêner. Mais le plaisir de montrer qu’elle en savait plus que ses concurrentes lui fit reprendre ses explications.

- Grâce à la grande précision de cet instrument, il a dû délimiter les différents tissus du corps pour chacune des coupes. Après quoi, reconstitution en 3D selon le principe des lignes de niveau qui permettent d’obtenir une vue en relief d’une région à partir de sa carte. Pour la censure, une simple palette graphique a suffi. Je sais qu’il en possède une.

- Comment le sais-tu ? fit Cynthia ahurie.

Phoebé grimaça, visiblement énervée par toutes ces questions.

- Laisse-moi maintenant ! lui fit-elle sèchement.

Vexée, Cynthia lui tourna le dos et fit mine de s’intéresser à ce qu’il se passait sur l’écran vidéo.

La curiosité de Cynthia n’avait pas sa pareille dans le mégacampus d’Orange II et deux animations pédagogiques plus tard, celle-ci regardait de nouveau vers son amie avec la discrétion d’un rhinocéros dans un fauteuil de cinéma.

Comme elle s’y attendait, Phoebé Alkengia, major du cours de connectique, n’écoutait pas les paroles du Docteur Obéron. Elle était penchée sur son ordinateur portable et s’affairait sur un câblage qui sentait le piratage à dix mètres à la ronde.

Plutôt que de se faire de nouveau rembarrer, Cynthia se contenta de suivre le cours des événements. Grand bien lui en fit car elle n’eut pas à attendre longtemps.

- Ça y est, j’ai réussi, j’ai réussi ! exulta Phoebé au beau milieu d’une projection cinématographique relativement bruyante. J’ai réussi à lui piquer son animation d’introduction !

Cynthia se mordit les lèvres pour ne pas la questionner.

Heureusement, le sourire de Phoebé Alkengia révéla aussitôt la nature de ses manipulations.

- J’ai réussi à activer d’ici mon cafteur. Il est branché en dérivation sur l’écran du pupitre ! Si tout va bien, ce soir, on va pouvoir récupérer après les cours les données qui servent à l’animation et ainsi regarder notre charmant professeur en nu intégral !

- Bravo Feb ! lui glissa Cynthia en surveillant nerveusement les alentours. Ce soir, viens chez-moi, on pourra sûrement utiliser ces données sur l’ordinateur lubrique de mon frère !

Ça te dirait de rejouer à la poupée ma chérie ?

- Espèce de cochonne ! souria Phoebé qui fantasmait déjà en protégeant à distance les précieuses données contre tout effacement intempestif.

*

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