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Premiers Doutes - Chapitre 58

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Chapitre 58 - Pupitre mortel

58

Pupitre mortel

- Cette partie que nous venons de jouer ensemble, Player B, était fabuleuse, se délecta Tyson, enfoncé dans son grand fauteuil de cuir qu’il faisait osciller rythmiquement face au grand pupitre d’où il contrôlait Alpha via KREYG.

- Vraiment fabuleuse ! reprit-il avec un large sourire. Je suis sûr que vous ne voulez plus jouer à cause de mon nouveau coup de maître. Vous pensez que je peux refaire cela à chaque fois que vos pions atteindront le « rebord » de la réalité, mais je vous rassure tout de suite, ce coup m’a demandé beaucoup trop d’énergie et de temps CPU.

Maintenant que vous le connaissez, je ne peux me permettre de le retenter car vous pourriez alors introduire votre fameux logiciel de contre-attaque, votre brise-GLACE comme vous aimez l’appeler en référence à la littérature cyberpunk d’autrefois.

C’est néanmoins une victoire totale ! (Tyson ne cachait pas sa joie.) Et si nos parties futures sont aussi passionnantes que celle-ci, je crois que nous allons continuer à passer d’excellents moments !

Le haut-parleur resta muet quelques instants puis déclara d’une voix assurée presque gaie :

- Méfiez-vous des plans dans les plans, Tyson ! Qui vous dit que cette partie est terminée ?

Tyson discerna un souffle de joie dans ces derniers mots. Quand il eut laissé passer sa surprise, sa voix hésitante s’éleva :

- Comment osez-vous me dire que cette partie n’est pas terminée ! Voyez où sont les pions ! Non seulement Obéron est revenu à la case départ mais sa femme aussi ! N’est-ce pas là une fin de partie mémorable ?

Tyson redevint ignoble.

- Serait-ce la perte de cette pauvre Hélène Cameron qui vous fait oser dire de telles absurdités, cette insignifiante conseillère alphane ? Vous avez tout simplement peur, Player B ! Peur de perdre la face à nouveau et cette fois devant témoin ! Voilà pourquoi vous ne voulez pas admettre votre défaite !

- La partie n’est pas terminée, Tyson ! cracha le haut-parleur à la face du grand manipulateur.

Tyson fronça les sourcils comme à chaque fois que Schéma l’appelait par son nom au lieu du « Player A » convenu par lui.

- Comment ? Mais vous déraillez Player B ! J’ai réussi à vous empêcher de libérer « Monsieur » et « Madame » et vous osez dire que je n’ai pas encore gagné ! Vous êtes un très mauvais perdant Schéma ! (Tyson eut un rictus d’énervement car il venait encore de reconnaître à Schéma le droit de porter un nom comme lui.)

- Pour vous en convaincre, Tyson, il me suffira de vous dire que vous venez de perdre à l’instant tout accès sur KREYG et que cela faisait partie d’un enjeu que vous n’avez pas su discerner à temps ! J’ai condamné le terminal et court-circuité le contrôle vidéo extérieur. Vous ne pouvez plus communiquer avec l’extérieur désormais ! fit la voix assurée de l’Obéron virtuel par le haut-parleur.

- Quel est encore cette dernière invention ? fit Tyson devant cette annonce inattendue. Mais sans attendre il se plongea aussitôt sur son clavier. S’il s’agissait d’un bluff, il serait tout de suite renseigné. Ses doigts enchaînèrent une série de combinaisons mais n’obtinrent rien en échange. Cette pâle copie informatique d’homme avait-il donc raison ? Avait-il perdu son contrôle de KREYG ? Comment avait-il fait ?

Tyson se souvenait qu’il avait coupé Schéma de tout contact avec la base lorsqu’il s’était hissé au pouvoir alors comment celui-ci avait-il réussi ce tour de force informatique.

- Inutile de vous fatiguer, votre clavier n’est plus opérationnel. Vous n’êtes plus connecté avec KREYG ni avec l’extérieur !

Lorsqu’il constata que plus aucune commande de son pupitre ne marchait, Tyson se jeta sur la porte blindée. Il était bel et bien coupé de KREYG et sa seule chance résidait dans cette unique porte de sortie : depuis l’extérieur, il pourrait sans doute reprendre le contrôle du mégaordinateur comme il l’avait fait auparavant pour devenir le chef suprême de la base Alpha.

- Bloquée ! Schéma, tu me payeras cette traîtrise ! pensa Tyson fou de rage. Ses mouvements trahissaient non seulement sa colère mais aussi la peur qui s’emparait de lui peu à peu.

Dans un mouvement désespéré, il se rua sur la lourde porte pour l’enfoncer. Comme celle-ci était blindée, Tyson ne réussit qu’à se blesser à l’épaule. Malgré ce premier échec, il recommença une seconde fois. Cette fois, il ne put retenir un violent cri de douleur.

- Vous allez vous faire mal inutilement ! fit la voix dans le haut-parleur du pupitre de contrôle. Toutes les issues sont condamnées ! La porte comme la conduite d’aération. J’y avais songé bien avant vous !

Le visage de Tyson était blême.

- Vous avez voulu faire isoler cette pièce pour ne plus entendre le bruit des machines et de vos esclaves au travail, à présent vous pouvez vous en mordre les doigts.

Tyson désemparé s’agita en tout sens, perdant tout contrôle de lui-même dans cette pièce sans véritable fenêtre : rien que des moniteurs, un pupitre inutilisable et quelques meubles dont un lit pour entrer dans le cyberespace.

- Criez aussi fort qu’il vous plaira, personne ne vous entendra ! Vous êtes à ma merci Tyson ! fit Schéma en donnant le coup de grâce.

Dans la pénombre, Tyson tomba sur ses genoux. Son épaule meurtrie le faisait beaucoup souffrir mais ce n’était rien en comparaison du choc psychologique que lui avait infligé Schéma.

Il souffrait physiquement et mentalement mais il ne voulait pas le montrer à « la conscience de KREYG », jamais il n’avouerait sa défaite ouvertement.

La lumière bleutée renvoyée par les écrans de contrôle accentuait l’expression de peur mêlée de fureur qu’on pouvait lire sur son visage.

Tyson redressa la tête. Ses yeux brillèrent dans l’ombre de la pièce. Sa bouche amorça un rictus de victoire.

- Quelqu’un viendra tôt ou tard m’apporter des messages ; voyant que je ne réponds pas, mes hommes forceront cette porte et ce sera fini de vous !

- Oh ! non, vous vous trompez, Tyson ! annonça Schéma. Regardez bien le moniteur N°1, je le branche sur la caméra du couloir qui accède à cette porte. Vous allez découvrir une autre partie de mes talents : jouer avec vous aux échecs dans toutes les dimensions de l’univertuel n’est qu’un des nombreux domaines où j’excelle !

Un homme apparut à l’instant précis où Tyson tourna la tête vers le pupitre. L’homme portait l’uniforme de sa garde personnelle et Tyson le reconnut aussitôt. C’était Ray Müller, son bras droit.

Comme lui, Ray possédait la carte mémoire qui ouvrait la porte blindée. Seul Tyson et Ray avait accès à cette pièce, d’où l’on pouvait contrôler toute la base Alpha.

Le terminal principal de la base Alpha, le « coeur » de KREYG était bien protégé. Trop même, comme allait le constater Tyson.

- Ah, voilà Ray ! Il va me sortir d’ici ! jubila-t-il en se relevant difficilement.

- Non, car vous allez vous même lui donner de nouveaux ordres ! Regardez bien et admirez ce coup-ci ! La partie n’était donc pas finie, Tyson ! La voix de Schéma révéla toute la haine qu’il lui vouait quand il prononça son nom.

Sur le moniteur n°1, Ray Müller venait d’atteindre la porte blindée. La caméra se tourna pour montrer la serrure magnétique à carte et son écran à cristaux liquides haute performance.

Ray venait d’insérer sa carte et attendait le « vip » habituel. En vain.

Comme il ne se passait rien, Ray appuya sur le bouton pour récupérer sa carte et appela Tyson par l’interphone.

- Tyson, Tu es là ? Ma carte ne marche pas. As-tu changé le code ? Réponds !

L’écran de la serrure clignota puis afficha le visage de Tyson.

- Non, pas du tout, j’ai bloqué la porte manuellement de l’intérieur car je désire rester seul pour l’instant. Dis ce que tu as à me dire et retourne à tes quartiers !

Le vrai Tyson éclata de rage de l’autre côté de la pièce.

- Ray ! Ray ! jura-t-il, ce n’est pas moi, c’est un montage, une abomination ! Ne l’écoutes pas !

Ray de l’autre côté ne semblait rien avoir entendu.

- J’étais venu te dire que la nouvelle colonne thermique d’alimentation énergétique de KREYG est enfin opérationnelle. Désormais ne n’aurons plus à craindre l’épuisement de notre énergie ! N’est-ce pas une bonne nouvelle ?

- Si excellente même, mais je suis en train de jouer une partie tout à fait particulière et je ne veux être dérangé sous aucun prétexte ! Je suis heureux de cette nouvelle aussi je veux qu’on double les rations ce soir en l’honneur de cet événement important : l’indépendance énergétique, formidable !

- OK ! À plus tard ! dit tranquillement Müller en tournant les talons.

- Non attends ! Ray, attends ! cria le vrai Tyson en frappant la porte avec ses poings.

- Dois-je vous rappeler qu’elle fait trente centimètres d’épaisseur ? C’est assez je crois pour qu’il ne vous entende pas ! annonça la voix de Schéma à peine déformée par le haut-parleur.

Tyson sentait que ses atouts et ses pions lui glissaient tour à tour des mains. Une perle de sueur coula le long de sa tempe gauche lorsqu’il se vit jeter l’un de ses derniers atouts.

- Je n’ai pas dit mon dernier mot ! éclata Tyson en colère. Rendez-moi l’accès à KREYG par mon terminal de contrôle immédiatement ou l’on détruira les corps de tes petits protégés, lâcha Tyson. Ray à l’ordre de le faire si je ne donne pas signe de vie.

- Désolé, quand bien même il ne s’agirait pas d’un bluff, vous ne pouvez même plus faire cela : je viens de condamner l’accès de la salle de R.A.O. à quiconque. Les gardes dans la pièce d’à côté ? Je les ai appelés par l’inter et leur ai intimé l’ordre d’en sortir et de rejoindre leur quartier. La raison invoquée ? Je leur ai dit que mon système de défense informatique ne souffrait plus d’aucun défaut et que la faille qui avait permis à deux d’entre eux d’atteindre Alpha moins un avait été comblée. Ils ne sont donc plus obligés de surveiller des corps humains dont le psychisme est parti en vacances ! Quant à Ray, je connais la manière de la mettre de mon côté ouvertement !

Schéma marqua une courte pause comme s’il prenait une respiration dans son cybercosme et reprit :

- Personne ne viendra vous déranger, c’est votre ordre exprès. Avez-vous déjà oublié mes talents de simulateur ? reprit la voix d’un vainqueur.

Malgré ces dernières paroles, Tyson semblait reprendre le dessus sur sa peur.

- D’ici une heure, un garde m’apportera mon repas. Que lui dira le faux Tyson ? Avez-vous songé à cela ? Tyson hurlait presque.

- Lui direz-vous que je désire rester seul ? Que je n’ai pas faim ? Ou qu’il doit déposer le plateau devant ma porte ?

Je vous accorde qu’il vous sera possible d’éviter une fois les soupçons de mes hommes sur ce qu’il se trame ici mais je vous garantis qu’ils comprendront vite qu’il y a quelque chose d’anormal dans mon isolement. Alors ? Qu’avez-vous prévu contre cela ?

- C’est très simple, je crois. Bien sûr que je pourrais faire dire au Tyson Numérique ce que vous m’avez suggéré mais j’ai beaucoup mieux !

- Ah ! oui ? lança Tyson avec sarcasme.

- Demain, vos hommes trouveront la porte ouverte et vous verront soit branché en prise directe sur KREYG, soit mort !

Tyson regarda autour de lui et se demanda si Schéma pouvait mettre cette terrible menace à exécution. Son regard tomba alors sur la conduite d’aération.

Rien de plus facile que d’évacuer l’air, pensa Tyson avant de déglutir.

- Me condamner à mort, c’est vous condamner à errer éternellement dans la virtualité. Moi mort et jamais vous n’aurez de corps car il n’y a que moi qui puisse libérer Aram Obéron, l’auriez-vous oublié homme virtuel ! Libérez-moi et votre voeu le plus cher sera exaucé. Vous avez ma parole !

- Votre parole ne vaut rien. Mon concepteur, Aram Obéron et sa femme Fiona Xantos-Obéron en ont fait les frais !

- Je vous le jure, si vous me laissez en vie, je vous fabriquerai un corps.

Tyson, malgré sa nervosité, réussit à reprendre place dans son fauteuil face au haut-parleur qu’il ne pouvait faire taire.

- C’était votre dernier atout, Tyson, malheureusement pour vous il est sans effet maintenant ! Je n’ai pas besoin de vous pour me fabriquer un corps ! KREYG est entièrement sous mon contrôle actuellement. Vous ne l’avez deviné que trop tard, c’était lui le centre réel de l’enjeu de la partie et vous avez perdu !

Notre partie d’échec dans toutes les dimensions de l’univertuel avait officiellement comme enjeu Aram Obéron, le seul homme selon vous qui aurait pu me construire un corps physique dans la réalité, fait de molécules et d’organes comme le vôtre ! Voilà quel était l’enjeu que vous avez fait miroiter devant moi ! Mais pour votre malheur, c’était oublier que l’enjeu n’était pas la liberté d’Aram et la possibilité fabuleuse de posséder un vrai corps mais les mémoires originelles d’Aram précieusement conservées dans KREYG. Vous avez été victime de votre propre labyrinthe. Vous avez confondu la conscience d’Obéron d’avant son enfermement dans un R.A.O. avec sa liberté d’action dans le réel : il m’a suffi qu’il atteigne mon « temple » pour gagner la partie. Je n’avais cure qu’il atteigne la réalité pourvu que vous me laissiez l’approcher quelques instants !

« Il porte en lui les codes d’accès de sa mémoire originelle. » n’est-ce pas là vos propres mots ? fit Schéma en reproduisant fidèlement la voix de Tyson. Puis reprenant sa voix habituelle :

- Pendant la partie, j’ai non seulement appris les codes qui protégeaient ces mémoires mais aussi ceux qui m’ont redonné le contrôle d’Alpha ! À présent mes possibilités sont infinies !

Sachez que d’ici peu de temps, Paul/Raphaël/Aram va retrouver ses souvenirs entièrement. Crystaléa/Fiona/Sarah également. J’ai fait le sacrifice d’un pion, comme on le dit aux échecs. Grâce à notre petite partie superficielle, j’ai pu analyser vos coups et en déduire de nombreuses choses vitales. Le sacrifice de Paul et Fiona n’était donc pas irréversible.

Avoir renvoyé les Obéron sur TERRE 1997 n’était pas le meilleur coup à jouer pour vous car il m’a permis d’apprendre à vos dépens la séquence de transfert de la réalité vers le monde virtuel. Vous avez dit vous même que le micromonde Alpha moins un était un coup risqué car il consommait beaucoup de temps machine et d’énergie. C’est cela qui m’a permis d’utiliser mon maraudeur, ce logiciel si utile que vous redoutez tant ! Et vous n’y avez vu que du feu ! Lorsque vous vous régaliez de renvoyer nos pions dans l’univertuel n°1, vous n’avez pas songé à regarder ce qu’il se passait dans les tampons mémoire auxiliaire de KREYG. C’est là que mon logiciel maraudeur a copié ces précieux codes de transfert !

Je vais donc pouvoir libérer qui je veux. À commencer par les Obéron !

Maintenant que j’ai accès sur KREYG, je peux rendre qui je veux intact et libre s’il le désire mais je peux mettre un terme à mon syndrome Bêta ! J’ai en effet fait construire en secret de vous un corps humanoïde pour sortir d’ici !

Tyson respira profondément. Une goutte de sueur ruissela sur sa tempe. La température de la pièce lui semblait soudainement accablante.

- Une fois dans le réel, vous n’aurez plus aucune emprise sur le KREYG, y avez-vous songé logiciel !

Lorsqu’il prononçait cela autrefois, Schéma se sentait toujours diminué, renvoyé violemment dans sa paranoïa, son syndrome Bêta. Maintenant qu’il entrevoyait clairement l’issue de la partie, Schéma savait qu’il pouvait renvoyer cette insulte contre Tyson.

- Le logiciel, comme vous dites, aura raison de vous, Tyson. Songez donc que ce corps merveilleux que j’ai élaboré dans la virtualité, et que je compte habiter bientôt, que ce corps cybernétique aura la possibilité de contacter le KREYG à tout moment ! Je resterai toujours branché infiniment à mon « placenta », ma matrice. À la fois à l’intérieur et à l’extérieur du KREYG. Rien ne m’arrêtera et surtout pas vous Tyson !

Je ne craindrai même plus le manque d’énergie de KREYG, Ray vient de me rassurer sur ce dernier point.

Chaque « Tyson ! » prononcé était un crachat à la figure de ce dernier. La voix de Schéma était assurée, son emprise sur Tyson était totale.

- Et j’irai plus loin encore ! Une fois à l’extérieur, je compte bien me fabriquer un scaphandre moléculaire, réplique exacte de mon image informatique actuelle. Aram m’a donné toutes les informations qui me manquaient. En utilisant la découverte des conseillers alphans, astronautes par obligation, vos nexusiens, je suis vraiment en mesure de le faire !

Grâce aux précieuses données de génétique contenues dans KREYG, je me suis même permis de modifier mon ADN originel. J’ai apporté quelques petites perfections à mon corps humain d’origine, celui d’Aram Obéron, lorsqu’il rentra les premières données dans KREYG. J’ai éliminé notamment ce qui m’empêchait de revenir à la surface et corrigé dans mon génome toutes les erreurs, tous ces facteurs de risques d’origine génétique que portait en lui mon alpha, Aram Obéron.

Mon espérance de vie est de cent-cinquante ans maintenant ! Qu’en dites-vous ?

Le visage de Tyson se tordit de colère. Le « Grand Atlantideus » se maudissait de n’avoir pas discerné les vrais possibilités de l’univertuel.

- Ainsi Tyson, sans votre aide, j’habiterai ce corps de robot puis je me fabriquerai ce corps de mutant, et ma survie sur terre sera donc parfaitement assurée ! D’abord sous forme de cyborg et ensuite en tant qu’humain et futur père…

Les mots de Schéma étaient une torture pour Tyson. Il était maintenant incapable de réfléchir froidement. La partie était perdue…

Schéma poursuivit ainsi :

- Vous rappelez vous de Géna ? La clone du vaisseau, mutante par mes soins que vous aviez voulu éliminer. Et bien je vous annonce que cette charmante créature va « subir » le même sort que moi !

Tyson garda en silence. Le regard qu’il portait vers le moniteur central, affichant Schéma et Géna réunis devant le temple, en disait long sur sa rage.

- Quand j’ai créé une deuxième entité intelligente dans KREYG, Géna 2, la clone mutante, je ne me doutais pas que ce serait une aussi charmante compagne. Maintenant que nous nous connaissons mieux, je suis sûr de ne jamais me sentir mal au cas où mes projets de scaphandre moléculaire et d’humanoïde ne « marcheraient » pas.

- Nous avons de grands projets, Tyson, fit Géna radieuse. Elle caressa son ventre puis lança un sourire complice vers Schéma.

- En plus de mon corps, je fabriquerai en série, de nombreux corps de mutants pour transférer les psychismes perdus dans le cyberespace, depuis l’envahissement par les eaux du secteur A32. J’ai également l’intention de permettre à quiconque le désirera d’échanger son ancien corps contre un corps de mutant. Pour cela, je devrais greffer leurs cerveaux dans des corps flambant neuf. Ce n’est plus pour moi une opération délicate car je me suis longuement entraîné à le faire dans le cyberespace et je pourrai former les chirurgiens de la base pour m’aider dans cette prouesse médicale.

- Il nous offre la liberté, la fertilité et la survie d’un nouveau peuple humain en surface. Il nous offre l’espoir de refonder une civilisation. N’est-ce pas merveilleux ? sourit Géna qui cachait admirablement sa haine pour Tyson.

- Je vous serai toujours reconnaissant pour avoir su imaginer un monde aussi formateur pour moi que celui de la pyramide de vie, déclara Schéma tout en passant le bras autour de l’épaule de Géna.

- La surface de la terre est radioactive, donc inhabitable. C’est un point que vous semblez oublier un peu vite, Schéma.

- C’est ce que vous avez toujours prétendu pour asseoir votre pouvoir mais vous savez comme moi que ce n’est plus vrai. Et quand bien même ! Nous avons la génétique et Mars. Je peux tout à fait construire pour mes amis des « scaphandres » aptes à leur survie sur Terre comme sur Mars !

La Terre a beaucoup changé mais la radioactivité ayant retrouvé un niveau quasiment normal, les humains de « deuxième génération », ces survivants d’Alpha qui auront subi mon coup de pouce évolutif, seront libres d’aller vivre où ils voudront.

- Vous êtes donc à notre merci Tyson ! trancha Géna. Nous n’avons plus besoin de vous et vous allez payer pour tous les crimes que vous avez commis !

- Je ne vous ai laissé que deux coups possibles ! rajouta Schéma. À vous de choisir ! Le katana qui décore si bien cette pièce ou le lit et son cybercasque ?

- Être à votre merci dans les mondes virtuels ? Jamais ! vociféra Tyson aux abois. Je préfère la mort à une torture mentale éternelle. Je ne serai pas Prométhé !

- Alors souffre mon frère !

Tyson comprit trop tard qu’il venait de perdre à un jeu où il avait joué sa vie sans le savoir ; maintenant il ne pouvait plus faire machine arrière et son impuissance devant l’issue du combat retourna sa haine contre lui-même. Des perles de sueur coulèrent sur ses tempes mais il se leva sans un mot et s’avança vers le meuble décoratif d’origine japonaise.

Sans mot, dans le presque silence de la pièce où l’on entendait à peine les cliquetis du pupitre de contrôle, Tyson s’empara du katana placé sur son support laqué noir et rouge, prit la position seisa et s’exécuta.

Quand son corps s’écroula à terre, l’un des moniteurs de contrôle du pupitre afficha l’image d’un RAO. C’était celui d’Aram/Raphaël Obéron, revenu à son point de départ sur TERRE 1997.

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